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Retraites à vau-l'eau et vies par défaut,
contre le capital : assaut !
Supplément à Temps
critiques n°13
Comme Jospin répondant au mouvement des chômeurs de fin 1997
début 1998 en disant que la société doit être
fondée sur le travail et non pas sur l'assistance [1], Raffarin,
Fillon et le MEDEF nous disent aujourd'hui qu'il faudra travailler plus
puisque nous vivons plus longtemps. Comment dire plus abruptement que
le système de retraite n'est viable que tant que les individus
n'en profitent pas ou peu longtemps ? Et effectivement, le système
mis en place à l'orée des « Trente Glorieuses »
fonctionnait sur un parfait cynisme : en dehors de la fonction publique
et de ses régimes spéciaux, la retraite à 65 ans
s'appliquait à des ouvriers (40 à 50% de la population active
à l'époque) dont la durée de vie moyenne s'arrêtait
aux alentours de 60 ans ! Pour beaucoup, « la mort au travail »
était le seul mérite ouvrant paradoxalement au droit à
la retraite [2]. La retraite devait se mériter par toute la peine
du monde, même si la lutte séculaire pour l'abaissement du
temps de travail pouvait aussi conduire à l'abaissement de l'âge
de la retraite (passage à 60 ans en 1981). Mais aujourd'hui, dans
le cadre de notre société vieillissante et hédoniste,
la retraite apparaît comme la chance d'une nouvelle vie et non plus
comme une récompense pour service rendu. La retraite désigne
alors l'espoir d'une vie au-delà du travail dit socialement nécessaire
et défendre la retraite revient à affirmer que le sens de
notre existence ne se réduit pas à ce travail : nous voulons
justement la retraite pour ne pas crever [3] au boulot. C'est un peu comme
si la critique prolétarienne du travail amorcée dans les
grandes luttes de la fin des années 60-7O mais déclinante
à partir de la restructuration des rapports sociaux de la fin des
années 70-début 80, s'était repliée sur la
défense des retraites ; comme si le temps de la retraite permettait
de prendre de la distance critique — et donc de combattre, mais
combattre par défaut puisqu'on est devenu « inactif »
— vis à vis cette activité professionnelle que le
capital a attaquée non seulement en liquidant des masses de force
de travail mais aussi en épuisant la centralité du travail.
Dès lors, que nous dit le nouveau projet de réforme des
retraites ? Qu'il faudra travailler plus longtemps ou alors accepter une
diminution des pensions ou même, dans une version plus radicale
: travailler davantage pour une retraite moindre. Dans tous les cas, il
s'agit de prendre acte que le Progrès n'engendre plus forcément
le progrès social [4]. Ce qui est masqué par ce discours,
c'est la crise du travail et le discours du capital qui énonce
que le travail est toujours au centre de la société alors
que dans la pratique il le détruit de plus en plus. C'est en effet
le même MEDEF qui pousse à la radicalisation de la réforme
et qui exige à la fois le passage aux 40 annuités de cotisation
et le développement effréné des systèmes de
pré-retraite dans le secteur privé. Dans certaines branches,
de grosses entreprises envisagent d'abaisser jusqu'à 50 ans [5]
l'âge de départ de leur personnel, non seulement parce qu'elles
ne veulent plus de la vieille force de travail, mais parce que celle-ci
est partout surnuméraire. Tous les partants ne seront pas remplacés
et le dégraissage se fera ainsi en douceur. Quand nous disons surnuméraire,
c'est bien entendu par rapport aux nécessités de la valorisation
qu'il faut le comprendre. Contrairement à ce que pensent Attac
et tous les tenants du social contre l'économie, le capital n'a
pas vocation à la philanthropie et quand il accorde des avantages,
c'est toujours dans le cadre d'un certain rapport de force et devant la
nécessité de reproduire les rapports sociaux qui l'engendrent.
Si aujourd'hui, le rapport de force est si défavorable aux travailleurs
salariés [6], ce n'est pas parce qu'une offensive des méchants
néo-libéraux aurait été lancée contre
eux depuis l'ère Thatcher-Reagan, mais parce qu'ils ne sont plus
au centre du procès de valorisation. Si à certains moments
(1979 et début des années 80) et en certains endroits (mines
anglaises, sidérurgie française) cela a pu prendre l'allure
du combat de classes, c'est qu'il s'agissait encore de réduire
les dernières poches de résistance liées à
l'ancien antagonisme de classe dans le procès de production.
La production de « richesses » dépend de moins en moins
d'un travail vivant de plus en plus remplacé par le travail passé
(le capital fixe : les machines, et les flux informationnels) et la valorisation
se réalise toujours plus en dehors de la stricte sphère
productive. C'est d'ailleurs pour cette raison que des voix s'élèvent
parfois pour faire cotiser les machines quand elles remplacent le travail
vivant. Ce n'est toutefois pas une solution capitaliste puisque cela reviendrait
à limiter le processus de substitution capital/travail qui est
à la base des gains de productivité. Une telle perspective
nécessiterait au minimum une stabilisation du cycle actuel de croissance
dans le sens d'un accroissement de la taille des marchés, limitant
la guerre économique pour les parts de marché. Or nous sommes
plutôt dans une phase déflationniste qui produit l'effet
inverse : la guerre de tous contre tous [7].
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Le travail a donc surtout, aujourd'hui,
une valeur idéologique et disciplinaire : les métiers sont
détruits et les emplois se multiplient quand même ! Si on
entend par « travail humainement nécessaire », cette
partie de l'activité humaine, évidemment coordonnée,
qui permet la vie de l'espèce et son bien être, une fois
un certain seuil technique atteint, celle-ci n'occupe plus qu'une partie
assez limitée du travail effectif des individus, alors qu'on impose
toujours plus de nouveaux types d'emplois au rôle principalement
bureaucratique ou social ou directement répressif.
Alors qu'il existe déjà, au moins dans les pays dominants,
tous les présupposés matériels et intellectuels pour
une vie riche et agréable, le Pouvoir cherche à maintenir
l'idéologie de la rareté et donc celle du travail [8] pendant
que le capital s'évertue à créer de nouveaux besoins
et à les transformer en produits, en emplois. Bien malin alors
qui peut déterminer quel travail est vraiment encore nécessaire
et il devient donc très facile de créer et détruire
des emplois qui n'ont d'autres finalités que de permettre la reproduction
des rapports sociaux par le traitement social du chômage et de «
l'insécurité ». On en a un exemple concret avec les
« emplois-jeunes » qui ont partout été dénoncés
à leur mise en place comme de faux emplois et qui sont aujourd'hui
défendus par ceux-là même qui les critiquaient maintenant
que l'État veut les supprimer. Il est impossible de sortir de ce
genre de dilemme et donc d'une défense de principe de catégories
artificiellement créées sans poser globalement la question
du travail et donc du sens des activités humaines.
A la production pour la production de la phase progressiste du capitalisme
(c'est le travail ou plus exactement la force de travail qui produit la
richesse) a succédé la reproduction pour la reproduction
dans laquelle c'est le sens même de l'activité qui se perd
(c'est la richesse à qui on demande de produire des emplois comme
le laisse entendre la ritournelle sur « l'entreprise citoyenne »).
Alors à quoi rime ce théâtre de marionnettes où
s'affichent gouvernement et syndicats discutant avec animation, mais méthode,
pour savoir si 37,5 années sont suffisantes ou bien si, finalement,
il en faut au moins 40 et à terme 42, alors que tous disent être
d'accord sur la nécessité d'une réforme… dans
ce cadre absurde d'un travail imposé au contenu de plus en plus
flou, évanescent, voire insensé ?
Tous sont d'accord pour faire des efforts, à condition de les partager,
tous sont d'accord pour assainir une économie « malade »
alors qu'il est évident que la maladie est dans le système
capitaliste lui-même. Comme à l'époque de Juppé
et de la réforme de la Sécurité Sociale en 1995,
comme en 2000 avec le dangereux provocateur Allègre, on nous ressort
que c'est un problème de communication, que certains syndicats
se disent choqués par la méthode, par les erreurs de Ferry
car enfin, il y a manière et manière. On demande de vraies
négociations alors que la « nécessité »
de la réforme oblitère toute négociation en la transformant
en de sinistres comptes d'apothicaires quant aux conditions de notre survie.
Pour ne prendre qu'un exemple, quand les syndicats et le gouvernement
discutent à perte de vue pour savoir si on ne pourrait pas faire
un petit quelque chose pour ceux qui ont un travail dur et qui ont commencé
à travailler à 14 ou 16 ans, on ne peut mieux exprimer combien
l'extorsion de sueur et d'intelligence a peu servi à l'édification
d'un progrès social dont on nous a pourtant rebattu les oreilles.
Il s'agit d'affirmer notre existence plutôt que leur retraite en
échange de toute une vie au travail et pour le capital. Et de l'affirmer
maintenant, à un moment où la crise du travail induit une
altération du modèle classique du salariat tel qu'on l'a
connu dans les deux premiers tiers du XXe siècle ; un salariat
qui universalisait une certaine condition sociale et unifiait, malgré
les différences, la plus grande partie des travailleurs (cf. l'image
de la « forteresse ouvrière »). En effet, aujourd'hui,
il n'est plus que la structure externe d'un rapport social qui a tendance
à perdre sa substance. Les « plans sociaux » succèdent
aux « plans sociaux », mais le capital ne sait pas comment
occuper ses chômeurs et rêve de transformer les RMistes en
RMastes ! Il produit des individus dépossédés de
tout, c'est-à-dire même de l'espoir d'un travail et donc
d'une retraite. Contre ce processus, il s'agit donc d'affirmer une vie
humaine qui n'est pas réductible à une identification :
au service public ou à une professionnalité comme ce fut
encore affirmé par les mouvements de 1986 et de 1995 (mais ce fut
aussi leur limite), ce qui ne veut pas dire que cette vie est désincarnée.
Elle est bien inscrite dans des rapports sociaux même si elle n'est
plus organisée uniquement à partir du travail mais aussi
dans des activités dont certaines échappent, encore, non
seulement à la marchandisation des activités, mais aussi
à l'inscription dans les structures du système de reproduction
capitaliste : réseaux d'entraide, associations non subventionnées,
« lieux de vie » et d'alternatives diverses. Il ne s'agit
pas de les mythifier, mais de reconnaître leur existence et rôle
dans la désintégration des rapports sociaux capitalisés.
C'est paradoxalement ce que semble soulever l'appel à la grève
générale qui, cette fois, dépasse le cercle étroit
des spécialistes et propriétaires du slogan. Plus que la
défense de quelque chose, par exemple du service public, il manifeste
la nécessité d'un blocage général parce que
la situation serait encore plus grave qu'en 1995. Et quand on parle de
blocage, il ne s'agit pas seulement d'une référence au blocage
de la production (plus personne n'y croit vraiment comme arme absolue
et encore moins comme possibilité, et surtout pas les travailleurs
« à la production » qui sont bien placés pour
voir comment celle-ci s'est transformée et en quoi elle leur échappe
encore plus), mais d'un blocage dans lequel chacun à sa place pourrait
avoir un rôle, comme parent, comme salarié, comme consommateur,
comme retraité, etc. Il ne fait pas de doute que certains mouvements
de ces dernières années : unité parents-enseignants-élèves
dans les luttes scolaires depuis 1998, lutte contre les OGM et la «
malbouffe » et enfin mouvement anti-globalisation, ont joué
un rôle dans l'idée que cela ne pouvait plus continuer ainsi,
mais cela reste au niveau de l'idée et se situe en dehors de toute
perspective aussi bien pratique que théorique et politique. Ainsi,
on n'a pas entendu, dans les manifestations actuelles, d'appel à
convergence avec l'anti-G8 d'Evian, même à Lyon où
pourtant se réunissait un des principaux collectifs « altermondialisation
» [9].
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Pour que la grève générale
ne soit pas qu'un simple slogan ou une soupape de sécurité
ponctuelle, il faut créer les conditions d'une lutte contre la
logique même de ce système ; une lutte qui mette en question
tous ses rapports constitutifs : travail/revenu, capital/travail, travail/activité,
social/politique, articulation local/national/mondial, rapport à
la nature [10].
Le mouvement n'en est pas encore là. Comme en 1995 il critique
la domination du « tout économique », mais visiblement,
ce n'est plus que le fait de la base, la direction de la CGT ayant rejoint
pratiquement la position sur la nécessité de la réforme
[11]. Quant au niveau politique il affleure par la bande. En effet, la
particularité des élections de 2002 fait que si le pouvoir
de Chirac garde une certaine légitimité, encore renforcée
par sa position sur l'Irak, son gouvernement n'en a aucune car il paraît
avoir volé la victoire à son chef. D'où la passe
d'armes entre manifestants scandant « le pouvoir est dans la rue
» et le Premier ministre venant rappeler que justement non, le pouvoir
n'était pas dans la rue, mais au parlement. Ce fait ne peut que
désinhiber le mouvement et l'inciter à ne pas rester sur
la défensive, à exiger au moins, de manière non négociable,
le retour aux 37,5 annuités pour tous.
Mais tout cela reste gros de fausse conscience, même par rapport
au mouvement de 1995 qui exprimait un rapport contradictoire à
l'État, celui-ci étant à la fois garant du service
public et incapable de maintenir sa mission. Or, à travers sa position
contre la décentralisation, le mouvement actuel se montre encore
plus dépendant de l'État. Ressentant la régionalisation
comme une crise de l'État-nation républicain, le mouvement,
surtout enseignant, se bloque sur des symboles [12] qui ne sont déjà
plus des représentations adéquates d'une école qui
n'est pas celle des années 60/70, celle du passage de l'école
de classe à l'école de masse. Est-il pertinent d'avancer
que la décentralisation contiendrait un risque d'accroissement
de l'inégalité sociale entre d'un côté une
dévalorisation de l'enseignement ouvrant vers une école
à deux vitesses avec un secteur public sacrifié où
sévirait la garderie et de l'autre, le fait que par la régionalisation
l'école s'adapterait à l'entreprise ? Cette hypothèse
n'est pas recevable, ni d'un point de vue gestionnaire (la première
décentralisation des années 80, déjà critiquée
sur cette base avec la remise aux départements et régions
de l'équipement et de l'entretien des collèges et lycées
n'aurait pas en elle-même accru les inégalités) [13]
; ni d'un point de vue politique : l'école reste un enjeu politique,
même pour un État-nation en crise ; ni d'un point de vue
économique : comme nous l'avons dit plus haut, il n'y a plus rien
à adapter à l'entreprise quand la force de travail est de
plus en plus inessentielle et que les qualifications individuelles s'effacent
devant une demande de qualification sociale qui ne nécessite qu'un
petit peu de « culture commune » [14] et une formation sur
le tas en deux jours. S'il se met bien en place une certaine professionnalisation
des cursus et des diplômes, c'est bien plus d'une adaptation au
consumérisme d'une partie des étudiants dont il s'agit que
d'une adaptation productiviste au marché de l'emploi. Les formations
hyper-spécialisées qui s'y développent sont autant
de trappes à chômage à moyen terme. Plus que d'une
soumission au joug des patrons, qui demandent toujours tout et son contraire,
on a affaire ici à une dévalorisation des formations quand
leur contenu et leur étendue se rétrécissent comme
peau de chagrin.
Alors même que la crise de la politique vide l'État de tout
contenu stratégique face à une Europe des régions,
ce rattachement à l'État-Providence (dans tous les sens
du terme) empêche le mouvement de trouver son autonomie politique
alors qu'il démontre pourtant une assez grande capacité
d'auto-organisation [15]. C'est comme si le mouvement était paralysé
devant la dynamique du capital, l'autonomisation des institutions. Il
se produit alors un double mouvement inverse : alors que le capital se
répand sur les chemins de l'autonomie (ancienne revendication des
étudiants en 68), le mouvement se rétracte sur l'État
en tant que pouvoir central, sur ce qu'il croit être encore le garant
du compromis social et de la démocratie.
La conséquence, c'est que le système peut être bloqué…
sans qu'il soit fondamentalement remis en cause. Le blocage n'est alors
plus que théorique quand, par exemple, les enseignants se lancent
dans les atermoiements habituels sur la question des examens et que les
cheminots reculent leur entrée dans la grève reconductible
à l'après pont de l'Ascension. Il ne s'agit toutefois pas
de prôner un immédiatisme démagogique comme on le
voit fleurir actuellement sur le net avec des propositions de mettre 15/20
à tous les candidats et de laisser passer tous les élèves
dans la classe supérieure. Ce serait mettre la charrue avant les
boeufs et imaginer radicaliser des moyens de lutte dans un mouvement dont
les buts restent pour l'instant peu radicaux. La subversion de l'évaluation
scolaire ne peut être un simple moyen de notre action, sauf à
instrumentaliser les élèves et à entretenir des illusions.
C'est l'évaluation elle-même qui doit être mise en
cause comme étant un élément de la valorisation.
Car derrière les notes, les « contrôles », les
« diagnostics de capacités » et « la gestion
des performances cognitives des apprenants », il y a la question
plus générale de la valeur qui est le fondement de la dynamique
capitaliste.
Un mouvement qui cherche sa radicalité peut commencer à
la trouver, par exemple, en boycottant les examens et les concours comme
le font les étudiants et certains enseignants de Perpignan, de
Toulouse et de Nice. S'ils sont conséquents et que le mouvement
s'amplifie et s'approfondit, ils ne peuvent que se poser la question du
bien fondé même des examens et des concours. Il ne s'agira
alors plus de défendre l'égalité formelle des scolarisés,
ni que les petites facs résistent aux grosses, mais de remettre
en cause tout un système.
La seule stratégie qui peut dépasser les divergences d'intérêt
immédiat, c'est celle qui permet de développer un mouvement
qui, en s'approfondissant, montre à tous que cela vaut le coup
de s'y mouiller après n'avoir fait que s'y plonger ou le regarder
avec sympathie. C'est aussi comme cela qu'on peut éviter le piège
de la gestion au cas par cas mise en place par l'État. Celle-ci
vise à découper en tranche les salariés du public.
Elle isole tout d'abord la fonction publique des entreprises publiques
à statut spécial, puis elle isole les enseignants, les plus
nombreux, du reste des fonctionnaires en les faisant se précipiter
sur le chiffon rouge de la décentralisation. Il suffit alors de
céder là-dessus pour espérer faire passer l'essentiel,
c'est-à-dire la réforme des retraites puisque la catégorie
momentanément en pointe de la lutte devrait ainsi rentrer dans
le rang et la menace d'un boycott des examens s'évanouir. C'est
le scénario prévu, mais ce qui se passera réellement
dépend de nous tous.
Quand le mouvement est suffisamment global et fort, plus personne ne parle
de prise d'otages et de conscience professionnelle ! Pour cela, il faut
effectivement aller à l'épreuve de force, mais pas pour
défendre ce qui existe : ce n'est pas parce qu'on est contre leur
décentralisation qu'on doit être pour « notre »
centralisation, ce n'est pas parce que l'on est contre leur 40 ans que
l'on est pour « nos » 37,5… et des millions de chômeurs…
1er juin 2003
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NOTES
[1] En réponse à la revendication d'un revenu garanti
avancée par certaines organisations de chômeurs.
[2] C'est d'ailleurs par conscience de cette entourloupe que la mise
en place des assurances sociales qui précédèrent
le système de Sécurité Sociale rencontra une sourde
méfiance de la part de la classe ouvrière avant que les
syndicats ne s'y rallient.
[3] Ce terme est à prendre au sens large et ne réfère
pas uniquement aux accidents du travail et maladies professionnelles
dûment répertoriées.
[4] Malgré le cynisme dont nous avons parlé plus haut,
c'est ce que présupposait le compromis de classes passé
pendant la période des « Trente glorieuses » et ce
qui a été appelé le « mode de régulation
fordiste » de la contradiction capital/travail.
[5] Hewlett-Packard France vient de l'accorder à 53 ans à
des conditions exceptionnellement bonnes et de nombreuses grandes entreprises
de l'informatique et de la banque ou des assurances souhaitent étendre
cette pratique.
[6] Si nous ne nous référons plus à la «
classe du travail », c'est qu'elle a perdu à la fois sa
dimension objective de classe productive (désormais tout est
productif pour le capital) et sa dimension subjective de classe porteuse
de conscience antagonique. Cette évolution apparaît, entre
autres, dans le fait que le salarié du secteur public longtemps
considéré comme un représentant des classes moyennes
ou plus prosaïquement comme un nanti, représente, en fait,
l'une des dernières figures du salarié de type fordiste
avec ceux des très grandes entreprises privées ; c'est-à-dire
des salariés qui bénéficiaient d'un statut et de
droits garantis dans le cadre de l'intégration de la classe du
travail dans la société du capital, dans une phase où
la force de travail n'était pas encore devenue inessentielle
à la valorisation. C'est à ce titre qu'il cherche à
maintenir, si ce n'est le fil rouge de la guerre de classe, du moins
celui de la défense des acquis de la lutte des classes. Il est
donc secondaire et même faux d'insister sur le caractère
inter-classiste du mouvement actuel ou de chercher à opposer
des fonctionnaires aux ouvriers productifs comme si les premiers ne
faisaient que profiter des luttes passées et que jouir de la
production actuelle de richesse réalisée par les seconds.
[7] Cette phase déflationniste se caractérise par une
baisse de tous les indicateurs macoéconomiques et particulièrement
de la « demande globale » composée de la consommation
des entreprises (l'investissement) et de la consommation des ménages.
[8] Le travail n'est évidemment pas qu'une idéologie,
mais en dehors du fait qu'il peut parfois apparaître comme une
« malédiction », nous préférons mettre
l'accent sur le fait qu'il est une contradiction, celle d'une activité
humaine qui s'est exprimée historiquement sous la forme : 1)
d'une séparation entre l'activité travail et le reste
des activités, avec tout ce qui en découle du point de
vue de l'organisation des rapports sociaux (séparation travail/temps
libre, séparation vie active/retraite) ; une division du travail
grosse de la domination de groupes puis de classes sur d'autres ; une
forme d'exploitation spécifique à chaque phase historique
(esclavage, servage, salariat).
[9] Toutefois, à la dernière AG de mai à la Bourse
du travail de Lyon, il y a eu des propositions pour aller collectivement,
entre grévistes… et à prix gréviste, rejoindre
les manifestants anti-G8. Tout récemment, à l'initiative
des directions des organisations syndicales et des associations, la
jonction avec le mouvement contre la réforme des retraites a
été débattue dans les AG des villages anti-G8 d'Annemasse.
Il est globalement apparu que cette jonction n'était pas véritablement
ressentie comme décisive par les participants au motif que l'es
objectifs de cette lutte se seraient pas assez « généraux
», ne concerneraient pas toute « l'humanité ».
Mais sans percevoir que cette exigence d'universalité tourne
bien court lorsque la majorité des « altermondialistes
» acceptent finalement l'essentiel de la capitalisation du monde
sauf… lorsqu'elle est conduite par le « libéralisme
» !…
[10] Cela doit permettre d'éviter aussi bien les « solutions
» partielles (le revenu garanti ou d'existence) que les attaques
radicales mal centrées (« La retraite on s'en fout, ce
qu'on veut c'est ne plus bosser du tout »)
[11] La CGT, peut être pour céder à la mode de l'équité,
sûrement par souci de ne pas heurter ses gros bataillons du privé,
est d'accord sur un allongement des cotisations du public aux 40 ans…
à condition que les retraites soient revalorisées. Décidément
l'idéologie du travail est quelque chose de bien partagé
! Quant au jeune premier du mouvement cheminot de 1995, B. Thibault,
il fréquente aujourd'hui les coulisses du congrès du PS,
signifiant par-là à quel point son syndicat est prisonnier
de sa nouvelle stratégie de recentrage : pour se distinguer de
la CFDT, il ne peut que pousser à la grève, même
si c'est du bout des lèvres, dans des secteurs essentiels à
la reproduction comme La Poste ou la SNCF ; mais pour remplacer une
CFDT déconsidérée comme interlocuteur privilégié
de l'État et du patronat, il ne peut réellement envisager
d'aller au bout de l'épreuve de force.
[12] Le ministère de l'Éducation Nationale devenant ministère
de l'Éducation semble être la guêpe qui a piqué
certains enseignants. Au début de son septennat, Giscard d'Estaing
avait déjà réalisé l'opération, sans
réaction à l'époque.
[13] Cf. l'article de Cl. Thélot dans Le Monde du 28/05/2003.
[14] A ce sujet, le modèle est américain. Aux USA, le
capital ne produit plus ni sa force de travail de base (il la jette
en prison), ni son élite qu'il fait venir de l'étranger
sans être obligé d'en assumer le coût de formation.
Ce système, parfaitement cynique, n'est pour le moment pas exportable
en France tant que l'enjeu de l'école, comme d'ailleurs celui
de tout le secteur de la reproduction (santé, transports, communications)
y reste politique.
[15] C'est net dans l'éducation où, le mouvement, fort
de son expérience des luttes de Seine St-Denis en 1998 et contre
Allègre en 2000, court-circuite quelque peu les syndicats par
les réseaux de coordination et d'information qui débattent
en A.G. et sur internet des modalités de la lutte.
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