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Modeste rapport pour comprendre
l’actuelle position avancée du mouvement enseignant

 

Ce texte est diffusé par la revue Oiseau-tempête
21, ter rue Voltaire 75 011 Paris
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Entretien avec Daniel Aiache
(enseignant gréviste à Paris)
par Borbala, le 15 juin 2003


Après plusieurs semaines de grève, certains enseignants ont découvert les grenades lacrymogènes et les matraques des CRS, alors que d'autres étaient expulsés manu militari de l'Opéra Garnier. Comment un milieu généralement peu tenté par la contestation radicale a-t-il pu se trouver en pointe du récent mouvement social ? Le présent texte n'a pas la prétention d'apporter une analyse définitive mais de proposer, dans un premier temps, quelques éléments de réponse.


1. Raisons premières du mouvement de grève


Les raisons qui ont concouru au déclenchement du mouvement enseignant ont été successivement :


• La première attaque consistait en la suppression de 20 000 postes d’aide-éducateurs (en emplois-jeunes [1]) et de 5 600 surveillants. Une des propositions du gouvernement - abandonnée - était de les remplacer par des retraités !! La proposition du gouvernement actuel est de remplacer ces 26 000 postes par 16 000 « assistants d’éducation », certains à temps plein, mais moins payés qu’avant, et une autre partie à mi-temps. Dans un premier temps, la mobilisation des jeunes qui vont se retrouver au chômage après la fin de leur contrat n’a pas été soutenue par les organisations syndicales (avec l’argument qu’ils n’ont pas passé les concours nationaux !... de fait, ils ne représentent pas une « clientèle » pour les syndicats enseignants...). Aujourd’hui, leur revendication (maintien de tous les emplois) fait partie des revendications du mouvement à l’échelle nationale [2].


• Réduction des moyens selon la logique de « l’équité » : Modifications des « DHG », Dotations Horaires Globales (c’est-à-dire l’enveloppe d’heures de cours financées que chaque établissement reçoit chaque année de l’Etat). En 2003, le principe d’« équité » est mis en avant par le gouvernement. Ainsi, des établissements - les plus « riches » - reçoivent plus d’heures que d’autres, soit disant pour rétablir une équité mise à mal par un surplus versés aux établissements jugés les plus en difficulté. Les budgets de fonds sociaux (qui servent à organiser des sorties, à payer des fournitures ou la cantine des enfants de familles pauvres) sont aussi visés par une réduction selon la même logique, ce qui pousse les établissements les plus « pauvres » à réduire voire supprimer toutes les sorties prévues avec les élèves.


• Projet de décentralisation (qui ne concerne pas que l’éducation nationale) : il s’agit d’un désengagement de l’Etat vers les régions. Un projet du même ordre avait été envisagé par l’ancien ministre socialiste, M. Allègre. Concrètement, la gestion des personnels de services (« TOS ») travaillant dans tous les établissements scolaires sera assurée par les départements et leur statut dépendra de la fonction publique territoriale (et non plus de l’Etat). Ces personnels sont principalement des ouvriers, des assistantes sociales, des conseillers d’orientation et des médecins [3]. Les profs ne sont pas concernés par ce « transfert de charges ». Deux expériences de ce transfert de charges à Bordeaux et au Havre donnent une idée des conséquences prévisibles. Cela amène de fait à la disparition quasi totale de ces personnels dans les collèges soit par leur remplacement par du personnel privé (en faisant appel à des sociétés privées pour remplir les tâches), soit par leur « accaparement » par les services de la région en propre. Par exemple, un médecin n’interviendra plus qu’un jour par mois dans un collège ou encore les élèves seront envoyés vers des praticiens du privé (plus coûteux et bien moins efficace). Autre exemple : un conseiller d’orientation se transformera en un gestionnaire de placement des futurs travailleurs sur un bassin d’emploi.
Il apparaît globalement que les profs sont sensibles à la « perte » des assistantes sociales et autres conseillers d’orientation, moins par les ouvriers et techniciens de services. En fait, plus l’établissement accueille des enfants de milieux défavorisés et plus les enseignants sont attachés à la présence des premiers. Les ouvriers et techniciens de services sont peu présents dans le mouvement actuel. D’abord les syndicats ont trouvé peu d’intérêt à soutenir les revendications les concernant. Ensuite, ces salariés se sont eux-mêmes assez peu mobilisés. Le fait que très peu d’ouvriers aient participé aux assemblées générales (AG) tient aux divisions qui existent entre les « catégories » de salariés d’un même établissement, malgré les tentatives de certains profs d’établir des contacts et d’unifier la lutte. Cela tient aussi au fait que leur niveau de salaire, largement inférieur à ceux des profs, rendait difficile leur engagement dans plusieurs semaines de grève.

 

 
     

Lire également

Le mouvement de mai–juin 2003 dans l'immédiateté sociale ses classes

La punition

   
     
   

• Les lycées professionnels au service des entreprises locales :
Ils auront vocation à développer leur activité sur un bassin d’emploi précis, en fonction des besoins spécifiques des entreprises locales. Il sera donc possible que les formations changent tous les 6 mois si besoin est pour s’adapter à la demande. De plus, le recrutement des élèves se fera plus tôt, dès l’âge de 13 ans (niveau 4ème). La classe en question ne s’appellera plus « 4ème technologique » mais « Le dispositif ». Il s’agira d’une formation en alternance (une semaine de cours et de formation professionnelle et une semaine chez le patron)

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• Réforme des retraites qui touchent toute la fonction publique dont l’éducation nationale.


2. Manifestations et grèves : structuration progressive du mouvement et forces en présence


Pour réagir à ces projets gouvernementaux, des grèves sont organisées. Les premières actions sont organisées par le collectif des emplois-jeunes. De même, les premières grèves syndicales concernent la suppression des postes de surveillants. Dans le courant de l’année, les syndicats ont lancé des « journées d’action » (sorte de grèves rituelles idéales pour casser un début de mouvement) et, de fait, elles ont réellement freiné le démarrage du mouvement.
Puis, des grèves ponctuelles se produisent dans certains établissements pour obtenir plus de moyens ou seulement en solidarité avec des établissements en difficulté. Au départ, la mobilisation n’est pas très forte contre le projet de décentralisation, elle se renforce lors de l’annonce du projet de loi sur la réforme des retraites.
Le mouvement de grève enseignant est parti concrètement de quatre zones : La Réunion (où la mobilisation est encore très forte mais dont entend peu parler en métropole), le Nord-Pas-de Calais, la Seine-St-Denis et le Gard. Ces régions sont parmi celles où la misère sociale est la plus criante : les enseignants y sont confrontés quotidiennement.


La structuration du mouvement


• Des organisations syndicales puissantes mais fonctionnant avant tout sur une logique de clientélisme
Les organisations syndicales dans l’éducation nationale [4] sont puissantes car elles détiennent une sorte de clientèle « captive » : les profs sont obligés de passer par ces bureaucraties pour n’importe quel type de demande et elles s’avèrent assez « efficaces » dans cette tâche. Mais cette force est factice : elle ne témoigne d’aucun attachement de la plupart des profs aux syndicats comme instrument de lutte.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre la forme que prend le mouvement actuel. Il y a 5 ans, pendant le dernier mouvement de grève contre les projets du Ministre socialiste Allègre, les syndicats mènent la danse, contrôlent les mobilisations et travaillent même à combattre les grèves. Exemple significatif : l’UNSA organise une manifestation de soutien au Ministre ! Le choix pour les grévistes est dès lors simple : il faut arriver à se passer des syndicats pour lutter et obtenir quelque chose. C’est à partir de ce moment que se forment progressivement des coordinations au sein de certains établissements. L’année suivante, la mobilisation reprend toujours contre le même ministre et la lutte prend tout de suite une coloration non-syndiquée, les coordinations prennent du poids En 2002, le 1er degré se met en grève contre la réforme des rythmes scolaires et réussit à la faire avorter

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• Une nouvelle tactique syndicale :
Dès le début du mouvement actuel, les syndicats ont donc cherché à adopter une nouvelle tactique. Ils appellent de plus en plus souvent à des manifs... auxquelles ils ne vont pas ! Ils savent qu’ils ne maîtrisent plus vraiment la situation et choisissent d’appeler aux coordinations (sans en être vraiment partie prenante). Ainsi, ils sont en même temps présents dans les AG et poursuivent leurs discussions/négociations avec le gouvernement. Quant aux groupes d’extrême-gauche trotskistes (LO, LCR, PT ) [5], ils savent aussi à quoi s’en tenir. Contre Allègre, ils étaient à la traîne de la mobilisation. Aujourd’hui, ils ont choisi de prendre les devants et de ramener dans le jeu les syndicats alors que les personnels commencent à s’organiser concrètement en dehors de ces structures.


• La forme de mobilisation et d’engagement de la part des personnels : les différences entre le 1er et le 2nd degré [6]
Il n’y a pas osmose entre ces deux « secteurs » de l’éducation. En effet, les enseignants - profs ou instits - n’ont ni le même « profil » ni la même « culture ». Les instituteurs (1er degré) sont plus politisés que les profs des collèges et lycées. Ils représentent un milieu professionnel assez homogène : ils sont plutôt « progressistes » (la tendance ATTAC et consort est assez forte parmi eux) et le poids des syndicats y est fort. Une partie d’entre eux est aussi fortement marquée par l’extrême-gauche. A l’inverse, les profs sont relativement moins politisés, du coup, les syndicats ont moins d’influence et la radicalisation peut être plus rapide.
La séparation entre les deux « milieux » apparaît aussi quant au lien entre le mouvement de l’Education et la réforme des retraites. Cette dernière apparaît au départ comme une des revendications du mouvement parmi les autres. Elle est cependant rapidement mise en avant par une bonne partie des grévistes pour trois raisons différentes : d’abord, une réelle opposition à la réforme et la prise de conscience que, isolé, le secteur de l’éducation ne pourra pas faire barrage à la réforme ; ensuite, la crainte de nombreux enseignants d’apparaître trop corporatistes ; enfin, les instits ont massivement porté cette revendication contre le projet de retraite, ces derniers étant particulièrement visés (l’âge de départ à la retraite est pour eux de 55 ans).


Il apparaît deux tendances au sein du 2nd degré quant à la position à adopter face au projet de réforme des retraites concernant la fonction publique :
- une partie des profs veulent relier le mouvement enseignant à celui des retraites, mais souvent dans une logique de suivisme des grandes centrales syndicales (« on se laisse porter par le mouvement contre les retraites »),
- une autre tendance choisit de mettre en avant les revendications propres au mouvement dans l’Education en avançant que les attaques touchent toute la société et pas seulement les profs. Par exemple, pour eux, il y a plus de sens à exposer les conséquences concrètes de la transformation des lycées professionnels que d’appeler à une « grève générale » sous forme de slogan dans les manifestations. Dans un premier temps, le fait que les organisations syndicales aient repris assez largement ce slogan de « grève générale » peut cacher une stratégie d’étouffement de la lutte dans l’éducation en prônant une logique d’élargissement avec le mouvement contre la réforme des retraites.
Au sein du 1er degré, la forme d’engagement est différente. Ils sont moins nombreux par établissements et sont obligés d’en sortir pour porter leur lutte. Dans de nombreuses villes, ils participent à des AG communes avec des grévistes d’autres secteurs (les PTT, les transports, les employés communaux...) et s’associent à eux lors des manifestations. Ils sont aussi plus isolés dans le sens où les instits non-grévistes ne sont pas visibles.

 

 
   

• Un mouvement qui s’emballe sans perspective claire :
Le mouvement a démarré dans l’ordre d’abord dans les écoles primaires, puis dans les collèges et enfin dans les lycées. Les syndicats ont déposé un préavis de grève reconductible quotidiennement dès le 6 mai. Le mouvement dans son ensemble est difficile à cerner : des feux de paille démarrent dans quelques établissements, puis s’arrêtent et reprennent, alors que d’autres comptent un fort taux de grévistes depuis parfois 2 mois. Il n’apparaît pas de logique d’ensemble.


Les « forces » en présence


D’une manière générale, la stratégie gauchiste exprime la volonté d’élargir la lutte, ne pas la restreindre à l’éducation. La revendication largement reprise des grèves « interpro » est à double tranchant : dans la bouche des militants gauchistes (et syndicaux), elles signifie un élargissement de la lutte mais sous le contrôle strict des appareils syndicaux (c’est une délégation de syndicalistes qui ira faire le lien... avec d’autres syndicalistes d’un autre secteur). De fait, les militants gauchistes ont pour objectif de peser sur les structures syndicales, que ce soit par le biais de l’appareil qu’ils contrôlent directement (ex. SUD par la LCR) ou par le biais d’un autre. Ce jeu politique a un double effet : d’une part, il pousse à une politisation du mouvement dans le mauvais sens du terme (forte présence syndicale), d’autre part, il vide le mouvement de lui-même (on diffuse des tracts signés par plusieurs syndicats sur plusieurs établissements locaux, mais en même temps, on freine toute volonté des grévistes d’entrer en relation, d’échanger et de faire le point sur leur mobilisation respective).


La stratégie efficace de Lutte Ouvrière : noyauter et contrôler
LO s’engage avec peu de militants mais d’une manière efficace dans une stratégie plus de nature politique que syndicale. Ils sont en partie à l’origine du démarrage du mouvement le plus fort en Seine-St-Denis (grèves depuis mars 2003). Ils créent des « bureaux » non élus lors des AG qui se chargent de « distribuer » la parole, de négocier les parcours de manifs, des rédiger les tracts, des contacts avec la presse.... et ils se positionnent contre les comités de grève. C’est la coordination de Seine-St-Denis qui appelle en premier à une coordination à l’échelle de l’Ile de France.
Ainsi, LO contrôle concrètement la coordination Ile de France et la coordination nationale alors que la coordination parisienne leur échappe. Ils adoptent une stratégie spontanéiste : pas besoin de compter les mandats, il y a urgence, il faut faire vite et il faut éviter les dérives bureaucratiques... dans un souci d’efficacité (!), ils proposent « une personne = un vote ». Cette politique a un effet paradoxal : le bordel ambiant dans les AG favorise une expression vivante des participants (notamment dans la coordination Ile de France). A l’inverse, la LCR tente de s’opposer LO en mettant en avant une organisation de la lutte beaucoup plus « stricte ».


• La CNT en recherche de reconnaissance et de « visibilité »
Ils sont surtout présents dans le 1er degré, beaucoup moins dans le 2nd degré. Dans chaque « bureau » des AG est présent un représentant de la CNT Vignoles qui est « chargé » de jouer le rôle de contestataire... Des contradictions apparaissent au sein même de la CNT comme par exemple le fait que des militants s’opposent sur des motions entre l’AG parisienne et celle d’Ile de France. Ils recherchent avant tout une forme de reconnaissance des personnels par leur présence en tant que représentant syndical. Le mouvement en lui-même semble passer après leur travail de « visibilité » sans pour autant que cela entre dans une réelle stratégie pensée à l’avance.


La position particulière de SUD : le syndicat est en cours d’éclatement dans l’Education. Une fraction se dégage qui revendique des AG souveraines... souvent, ils adoptent des arguments et des postures de « tendance libertaire » à la place des militants de la CNT ! Parmi les représentants syndicaux, ils ont été les seuls a accepté d’être accompagnés par des membres de la coordination lors de rencontres avec le ministre, les autres syndicats s’arrangeant pour y aller seuls en inventant des prétextes peu crédibles.


3. Les réactions du gouvernement


• La position du gouvernement face à ce mouvement était, jusqu’à il y a peu, de passer en force. Cependant, devant la résistance du mouvement enseignant et le fait d’avoir engagé deux réformes importantes en même temps, l’oblige à céder des miettes d’un côté (éducation) pour espérer une victoire de l’autre (les retraites). Pour une partie des grévistes, néanmoins, ces miettes (report du projet de réforme des universités, division opérée entre les personnels qui seront touchés par la décentralisation) font l’effet d’une provocation et sont loin de faire retomber le ras-le-bol général. Le ministre de l’intérieur (et de la décentralisation) a été réquisitionné pour apaiser le conflit et lâcher du lest. Le ministre de l’éducation nationale est largement désavoué.


• La stratégie de durcissement menée par le gouvernement s’accompagne de répression (matraquages et arrestations) si nécessaire et de toutes les formes de propagande et de manipulation habituelles : en gros, il s’agit de monter la population - et les parents d’élèves en particulier - contre un mouvement montré comme totalement corporatiste et sans scrupule. L’arme essentielle est la dénonciation du « chantage aux examens » en menaçant de sanctions et d’appel aux forces de l’ordre alors que la plupart des profs ne sont pas prêts à bloquer physiquement le déroulement épreuves et que beaucoup sont (encore) indécis sur la position à adopter à ce sujet : une partie d’entre eux ne voit aucun intérêt à une pseudo-radicalisation du mouvement par des blocages physiques des épreuves ; d’autres refusent d’entendre parler d’une sur-notation éventuelle des copies, cette dernière pouvant dévaloriser le « grand examen national » qu’est le bac (!). De fait, depuis le début du mouvement, très peu d’examens ont été boycottés [7] (rares sont ceux qui ont été repoussés) et le fameux bac se déroule sans entrave majeure [8].


• Le gouvernement ne s’attaque pas aux organisations syndicales : il n’a pas intérêt à les « casser », mais plutôt à les mettre en avant comme des organisations représentatives « responsables » avec qui on peut négocier. Il sait, de plus, que si le mouvement est mâté durement, il reprendra avec encore plus de force par la suite. D’où la réouverture récente du dialogue avec les syndicats.

 

 
   

4. La position des enseignants


Le ras-le-bol des profs en dit long sur l’état de crise de la société. Ils sont contraints de réagir face à un malaise et à un ras-le-bol général et grandissant. Ils sont de fait « coincés » entre :
- les projets de réforme récurrents de l’Etat,
- les pressions des institutions internationales vers une libéralisation des appareils d’éducation nationale (OCDE...) qui se concrétisent depuis 1989 par des mesures progressivement mises en oeuvre dans la plupart des pays occidentaux,
- des conditions de travail qui se dégradent rapidement et qui se traduisent notamment par des rapports de plus en plus conflictuels avec les élèves, mais aussi et surtout par la nécessité de « gérer » la violence entre les élèves eux-mêmes,
- une partie des parents d’élèves. Paradoxalement, ce sont les profs des établissements les plus « favorisés » (échappant donc en partie à la violence quotidienne) qui se trouvent sous la pression des parents : ils ont la paix dans la classe mais sont devenus les « larbins » de parents qui viennent contrôler régulièrement l’avancement du programme officiel...


Ce mouvement témoigne du fait que cette catégorie de salariés (comme les personnels des hôpitaux par exemple) sont directement confrontés aux conséquences d’une certaine forme de désarroi et de la crise sociale en général. Ils sont contraints de réagir, mais ne savent pas clairement vers où ils vont.
Une partie du « malaise » (la violence omniprésente, par exemple) n’apparaît pas clairement dans les manifestations. Ce ras-le-bol de la violence quotidienne est fort et s’est déjà exprimé dans le passé par de nombreuses grèves. Rares sont les établissements revendiquant l’envoi de force de l’ordre mais la demande de surveillants reste importante.
Attaqués frontalement dans plusieurs domaines (statut, retraite, conditions de travail), les enseignants se sont retrouvés dans une logique défensive. Le mouvement actuel ne semble pas avoir exprimé dans l’ensemble de questionnement sur ce que représente le système d’éducation dans une société capitaliste. Les enseignants sont pris dans une contradiction : la misère sociale leur saute à la gueule quotidiennement mais, face à cela, beaucoup ont encore l’illusion qu’ils peuvent apporter du « savoir » aux élèves. Or, ce qu’on leur demande, c’est bien plus de jouer un rôle de « gardiennage » et de « formatage » en transmettant aux enfants « un kit de survie » [9]. En lien avec cette illusion du « savoir à transmettre » en décalage complet avec les pressions exercées par la société, la défense du service public d’éducation en tant qu’institution nationale sensée garantir une « égalité des chances » reste assez largement partagée par le milieu enseignant.

Notes

[1] Contrats précaires de 5 ans mis en place par le gouvernement socialiste

[2] La réforme du statut des précaires et emplois–jeunes a été adoptée fin mai dans la prlateforme de la coordination d'Ile de France.

[3] Cela concerne environ 100 000 postes.

[4] Dans le secondaire, le SNES (rattaché à la FSU) est majoritaire, FO et l'UNSA étant minoritaires.

[5] LO : Lutte ouvrière ; PT : Parti des travailleurs ; LCR : Ligue Communiste révolutionnaire. Dans l'éducation nationale, le PT se confond avec le syndicat FO (Force ouvrière), la LCR avec le SNES tendance « Ecole émancipée », récemment infiltrée et contrôlée.

[6] « 1er degré » : collèges ; « 2nd degré » : lycées.

[7] Un prof du 95 qui avait osé boycotter un examen de BTS s'est vu convoqué rapidement devant le tribunal administratif après dépôt d'une plainte contre lui.

[8] Seules quelques AG d'étudiants dans certaines facs ont voté le bycott des examens.

[9] Il s'agit d'un terme officiel (!).