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Daredevil
Mise en ligne le 7 avril 2003 sur le site
l'@NGLE MORT
(…) Je voudrais apporter ma petite contribution
au débat qui semble s'amorcer entre la Matériellle
(que je connais mal) et Théorie Communiste dont il m'est
arrivé de lire des numéros. Il me semble qu'il faut distinguer
deux choses. Je suis à peu prés d'accord avec la critique
de Théorie Communiste vis-à-vis disons de la partie
positive de la Matérielle (d'après ce que j'en
ai compris sur le site). Par contre, il me semble que Théorie
Communiste passe à côté du discours critique
de la Matérielle. Que la Matérielle s'enferme
dans de nombreuses obscurités quand elle cherche à développer
positivement ses positions n'empêche que Théorie Communiste
ne peut se défaire de sa critique par simplement quelques citations.
Il est difficile de distinguer l'aspect positif et l'aspect critique,
cependant c'est ce qu'une vraie réponse à la matérielle
aurait du faire. la Matérielle pose mal une vraie question,
celle de la spéculation, avec le tort d'y faire interférer
ses développements positifs, et derrière cette question
de la spéculation la Matérielle pose la question
de la relation entre les luttes et la révolution, même si
c'est d'une façon où elle ne peut plus y répondre
(là je suis d'accord avec Théorie Communiste).
REPONSE
Le 8 avril 2003
§
1 – Je ne sais pas s’il
y a « débat » entre la Matérielle et
Théorie communiste, mais si tel est le cas il a mal commencé
! Je regrette cependant la violence de ma réponse immédiate
qui n’était pas de nature à arranger les choses. Elle
a été motivée essentiellement par un seul propos
de mon « lecteur critique » (mais lui–même ne
dit–il pas que c’est là l’essentiel de sa critique)
: le fait qu’il qualifie mon travail de « posture auto–critique
» « qui ne fera pas illusion bien longtemps ». Si les
mots ont un sens, une posture théorique qui ne fait pas illusion
longtemps s’appelle… une imposture théorique. Voilà.
Maintenant c’est fini, je ne reviendrais plus la–dessus. Pour
le reste, dans la partie centrale de la critique, il y a des remarques
qui appellent effectivement des approfondissements de ma part et je m’y
emploierais.
§ 2 – Il est vrai que même si je critique
les autres théories postprolétariennes de la révolution
– celles que j’appelle « essentialistes »
dans la mesure où pour tenir la relation entre le cours quotidien
des luttes et la révolution elles ont besoin d’attribuer
à la classe prolétaire une « essence » qui est
déjà un au–delà de ce qu’est la classe
ici et maintenant (une essence qui a toujours quelque chose à voir
avec l’ « Humain ») – c’est à Théorie
communiste que je réserve l’essentiel de mes critiques.
Il y a deux raisons à cela : 1) une raison subjective qui tient
au fait que j’ai contribué à la création de
cette revue en 1977, et que son histoire théorique a été
la mienne jusqu’en 1986 (même par la suite j’ai eu beaucoup
de mal à m’en détacher [1]) ; 2) une raison objective
qui est que la théorie de la révolution développée
par théorie communiste englobe toutes les autres et, par sa «
systématicité spéculative » présente
la version la plus élaborée et la plus construite de la
théorie postprolétarienne (avec celle développée
par B. Astarian, toutefois, dans son livre le Travail et son dépassement–
éd. Senonevero).
§ 3 – En ce sens que je ne peux pas être
d’accord avec mon « lecteur critique » lorsqu’il
dit à la fin de son texte : « Cela n'empêche que de
ce poste d'observation théorique la Matérielle
assure une sorte de veille théorique sur tous les risques de dérapages
« spéculatifs » inhérents à une théorie
de la révolution dans la situation présente de disparition
de toute positivité révolutionnaire et oblige à faire
attention à ce que l'on écrit. la Matérielle
est la critique interne de la théorie de la révolution dans
ce cycle, critique que toute théorie de la révolution doit
se faire à elle-même. » (§ 43) Que la Matérielle
puisse être une telle critique interne, je ne le conteste pas,
et c’est précisément pour cette raison que j’adopte
une POSITION « auto–critique », plutôt qu’une
position critique qui viendrait « d’ailleurs ». En revanche,
je récuse le fait que la spéculation ne soit pour la théorie
postprolétarienne en général et pour théorie
communiste en particulier, qu’une « dérive »,
c’est–à-dire un « accident intellectuel »
pour la raison, précisément que mon « lecteur critique »
donne à ces dérives – la disparition de toute positivité
– elle me paraît au contraire fondatrice de toute théorie
de la révolution, tant que l’on ne quitte pas le fond (« rationnel »)
de la théorie postprolétarienne. Que ce faisant je m’engage
sur des chemins étroits, je ne le nie pas – de même
que je ne nie pas les risques de « dérives postmodernistes
» que court la Matérielle au travers de sa critique
de la « totalité » –, que je m’enferme
dans de « nombreuses obscurités » lorsque je cherche
à développer positivement mes positions, je te l’accorde
– mais celles de Théorie communiste sont—elles
plus claires que les miennes ? – en revanche, lorsque l’on
me dit que je pose la question des relations entre les luttes et la révolution
d’une façon où je ne peux plus y répondre,
c’est une autre histoire.
§ 4 – Le principal reproche que me fait Théorie
communiste, c’est de NE POUVOIR PRODUIRE LA
REVOLUTION ET LE COMMUNISME A PARTIR DE MA PROPRE THEORIE, et c’est
pour cette raison – ne pouvant me passer ni de l’une ni de
l’autre – que j’« autocritique » les autres,
me réappropriant ainsi chez eux ce que je ne peux faire moi–même
(et pour cela, entre autre, je squatte les lieux où s’énonce
la « vraie théorie », c’est–à-dire
celle qui produit, etc.). C’est pour cela que, selon mon «
lecteur critique », la Matérielle n’a aucune
légitimité ne serait–ce que pour prononcer les mots
de « révolution » et de « communisme »
et que pour lui « le problème réside dans le fait
que, dans la Matérielle, cette critique interne s'est
en quelque sorte « autonomisée » et se donne comme
la totalité d'une théorie nouvelle. » Cela suppose
: 1) que la révolution et le communisme sont un produit de la théorie
; 2) qu’en théorie cette production ne puisse être
autre chose qu’une « déduction », c’est–à–dire
une construction logique à partir d’un « principe premier
» qui contient déjà le résultat de celle–ci
; donc ne puisse être autre chose que ce que fait Théorie
communiste [2] pour laquelle ce principe premier est « le Capital
qui se manifeste dans le procès de sa propre abolition »,
ce qui revient à confondre le pôle subordonnant du rapport
avec la totalité du rapport et à faire du capital une «
substance » ; 3) ce qui suppose, enfin, qu’une théorie
de la révolution ne puisse être qu’une « théorie
totale » ou une « totalité théorique »
qui tient tout à partir d’un principe unique, donc, c’est–à–dire
une théorie « systématique ». Or, je pense que
la théorie développée par Théorie communiste
clôt le cycle de la théorie spéculative de la révolution
ouvert par Marx en 1847 dans Misère de la philosophie
comme théorie du Prolétariat. [3] Tu m’accorderas
que tous ces présupposés ne sont pas sans poser problème
! Pour revenir à la question de départ, je dirais donc que
si la Matérielle pose la question des relations entre
les luttes et la révolution d’une façon où
elle ne peut plus y répondre, cette façon c’est celle
de la théorie postprolétarienne en général
et celle spéculative de Théorie communiste en particulier.
C’est tout.
§ 5 – Cela dit, et pour conclure, je suppose
que tu comprendras que si je pense comme toi que Théorie communiste
passe à côté de mes critiques (une pensée dogmatique
à toujours beaucoup de mal à sortir de son système
pour saisir la logique propre d’une autre pensée), je ne
peux pas accepter ta position qui consiste à prendre en compte
le contenu critique de la Matérielle exclusivement de
son contenu positif ainsi que le reproche de faire interférer des
développement positifs dans mon propos : mes critiques, même
si au départ elles sont purement négatives (ce qui justifie
relativement la critique de mon « lecteur critique »), ne
tiennent évidemment que par les élaborations positives qu’elles
peuvent permettre.
[1] Cf. Petite histoire singulière d’une
rupture , la Matérielle
n°1.
[2] Même si aujourd’hui elle tente de tempérer la chose
avec sa nouvelle théorie de « l’angle mort théoriquement
irréductible » (cf. sur le site, le texte L'@NGLE
MORT L’Angle mort). Mais alors, à quoi sert
de « produire » théoriquement la révolution
et le communisme ? Ou mieux : quel est le sens de cette production si
c’est pour aboutir finalement à un constat absolu de vacuité
théorique ?
[3] Cf. ici : le Syllogisme
marxien du prolétariat.
Réponse Dardevil
(14 avril 2003)
Ce que tu dis est très intéressant et me
permets de voir pourquoi dans les quelques n° de Théorie
communiste que j'ai lus j'avais beaucoup de mal à naviguer
dans ce que tu appelles leur système spéculatif. Tout se
tient, se recoupe, et finalement chaque élément est la justification
du suivant et fonde le précédent. La vie des luttes a du
mal à se faire un chemin dans ce système spéculatif
fermé. Je vois plus clair ce qui m'a gêné dans la
lecture de théorie communiste. Il faut laisser aux luttes leur
vie au jour le jour et se méfier de toutes les théories
faites sur elles qui sont des spéculations. C'est ce que j'ai voulu
faire et que je continuerai dans les petits mots que je fais parvenir
à l'angle mort. Il y a, si je te comprends (je reconnais que j'ai
beaucoup de mal avec la philosophie, mais à te lire je pense que
j'ai tort de ne pas m'y mettre) une nouvelle période maintenant,
où les luttes ne sont plus spéculatives, elles n'ont pas
de signification et le mode de production capitaliste n'a plus maintenant
de contradictions. C'est à nous, à chacun de nous, sans
chercher à appartenir à cette forme spéculative qu'est
une classe par rapport aux luttes, à construire un avenir possible.
Si nous sommes communistes, c'est parce que nous voulons l'être.
Nous, les prolétaires nous sommes aussi importants pour définir
notre histoire, que le capital qui n'est que l'autre aspect du monde et
pas sa totalité ou quelque chose comme ça. Nous ne savons
rien de ce qui peut arriver et rien ne nous détermine. Sauf d'être
des femmes ou des hommes. C'est passionant, mais je ne sais pas si j'ai
bien compris, je suis allé sur ton site mais j'ai beaucoup de mal
à tout comprendre sur Hegel. Tu as raison, nous ne faisons pas
partie d'un monde que le capital définit. C'est peut-être
la même chose que théorie communiste cherche à dire,
parce que comme tu le dis ils ne peuvent plus continuer, avec "l'absolu
vacuité théorique du concept de l'angle mort". |
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