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Nouveau Mouvement

Henri Simon

1974

 

Introduction

 

Henri SIMON

(janvier 2003)

 

 

 

¤ 1 Š Le texte Nouveau Mouvement fut publiŽ en dŽcembre 1974 par le groupe belge Liaisons (de langue franaise et basŽ essentiellement ˆ Lige et Bruxelles) ; ce groupe Žtait en relation Žtroite avec des groupes ou camarades britanniques, franais et hollandais, contacts qui permirent lՎlaboration de ce document. Celui-ci portait la signature dÕHenri Simon, ce qui Žtait quelque peu le rŽsultat dÕune sorte de malentendu. Si ce dernier avait effectivement participŽ activement aux discussions, ˆ la mise au point et ˆ la rŽdaction de cette petite brochure, celle-ci nÕen Žtait pas moins le rŽsultat dÕun travail collectif ; les camarades belges chargŽs de la rŽalisation matŽrielle de ce travail avaient pris lÕinitiative de la faire appara”tre comme lÕĻuvre dÕun seul, masquant ainsi cette Žlaboration collective.

 

¤ 2 Š La pŽriode qui vit ainsi lÕapparition de ce qui pouvait para”tre comme une sorte de manifeste se situe dans les remous de lÕaprs-1968 en France. On y assistait alors ˆ un bouillonnement politique dans la gauche et lÕultraŠgauche, un processus de dŽcomposition - recomposition touchant tous ceux qui de prs ou de loin avaient ŽtŽ mlŽs ˆ tous ces ŽvŽnements. On doit pourtant souligner ce qui nՎtait pas un des moindres paradoxes de cette situation : alors que bien des militants de tous bords sՎvertuaient ˆ Ē organiser Č pour rŽpondre ˆ ce quÕils voyaient dans lÕHistoire rŽcente comme les prŽmices dÕune pŽriode rŽvolutionnaire, une offensive de grande ampleur du patronat et du pouvoir politique visait au contraire ˆ effacer et ˆ reprendre ce quÕils avaient dž concŽder, en dÕautres termes, ˆ ramener le rapport de force capital - travail  dans les ornires Ē normales Č. On pourrait penser - a posteriori - que cette volontŽ dÕorganiser ce quÕon jugeait tre lÕavant-garde militante correspondait ˆ cette rŽpression des actifs de mai 68 ; peut-tre objectivement, mais ce qui Žtait proclamŽ dans toutes ces tentatives, cՎtait le combat pour un processus rŽvolutionnaire en cours. DÕune certaine manire, on peut dire que lՎlaboration de ce texte Nouveau Mouvement participait de cette tendance, non en proclamant une mission historique ou en en essayant de dŽgager ce qui paraissait correspondre ˆ lՎvolution des rapports de production et des luttes, mais fait en  tirant les leons de mai 1968.

 

¤ 3 Š Mais ce serait une erreur de faire du Nouveau Mouvement seulement une rŽflexion sur des ŽvŽnements limitŽs ˆ la France mme si lÕexpŽrience vŽcue durant ces jours de mai par certains camarades franais pouvait sous-tendre un intŽrt plus manifeste pour ce quÕavaient ŽtŽ ces journŽes Žtonnantes. Le fait que les discussions que nous allons Žvoquer ˆ propos de la gense de ce texte se dŽroulaient avec la participation de camarades de presque tous les pays de lÕEurope de lÕOuest montrait que ceux-ci , mme sÕils nÕavaient pas vŽcu des ŽvŽnements identiques, Žtaient amenŽs, de par leur propre rŽflexion sur la lutte de classe dans leurs pays respectifs, ˆ considŽrer quÕil Žtait nŽcessaire de rŽflŽchir aux transformations dont ils Žtaient aussi les tŽmoins. Sans aucun doute ces transformations pouvaient sՐtre exprimŽes par des cheminements diffŽrents, sans aucun doute moins spectaculaires que ce qui sՎtait dŽroulŽ en France, mais qui pouvaient sÕy rattacher, de mme que mai 1968 pouvait se rattacher au tŽmoignage de ces cheminements dans dÕautres pays. On pouvait observer quÕil Žtait normal que des situations similaires Žconomiques et sociales, celles des diffŽrents pays dÕEurope occidentale dÕalors, donnaient naissance ˆ des comportements et ˆ des formes de lutte similaires, mme si les circonstances historiques locales faisaient quÕils sÕexprimaient sous des formes diffŽrentes.

 

¤ 4 Š Ce nՎtait donc pas un hasard si des discussions entre camarades analysant les luttes dans leurs pays respectifs et reflŽtant les Žvolutions Žconomiques et sociales dans lesquelles ils Žtaient plongŽs en arrivent ˆ ce texte commun et ˆ lui donner un tel titre. Ils nÕinnovaient dÕailleurs pas et ne pouvaient en revendiquer la paternitŽ. Le terme Ē Nouveau Mouvement Č avait dŽjˆ ŽtŽ utilisŽ par les thŽoriciens du mouvement communiste de conseil , courant auquel certains des camarades engagŽs dans ces dŽbats se rŽfŽraient.. DÕune manire gŽnŽrale, ces  thŽoriciens traaient une frontire entre le vieux mouvement ouvrier (celui qui sՎtait exprimŽ dans les partis et les syndicats tels quÕils existaient autour de la premire guerre mondiale et tels quÕils tendaient ˆ perdurer dans leur fonction bien Žtablie de gestionnaire du capital) et le nouveau mouvement ouvrier, un mouvement dÕauto organisation qui, pour la dŽfense des intŽrts propres des travailleurs, devait se dŽvelopper en luttant prŽcisŽment contre les structures dont la fonction rŽpressive devenait ainsi de plus en plus Žvidente.

 

¤ 5 Š Tentant une approche plus internationaliste de son activitŽ, le groupe I.C.O. ( Informations Correspondance Ouvrires) avait privilŽgiŽ les contacts avec des groupes Žtrangers, notamment dÕEurope occidentale , qui pouvaient diverger quant ˆ leurs orientations mais avaient nŽanmoins des bases solides communes permettant de larges dŽbats, et chaque annŽe organisait des rencontres  internationales. Les Žchanges Žtaient en gŽnŽral axŽs plus sur des exposŽs et des discussions sur la lutte de classe dans chaque pays plus que sur lÕactivitŽ propre et les positions des groupes en question. Lors de lՎclatement du groupe I.C.O. dans la pŽriode post 1968 que nous avons dŽjˆ ŽvoquŽe, le souci de ceux qui, en dŽsaccord politique sur lՎvolution de la lutte de classe et les volontŽs organisationnelles, rŽpugnaient ˆ sÕengager dans cette voie militante, cherchrent ˆ prŽserver ces contacts internationaux et persŽvŽrrent dans lÕorganisation de rencontres internationales.

 

¤ 6 Š Une telle rencontre se tint les 13,14,15 avril 1974 ˆ Boulogne sur Mer. Y participaient des camarades allemands, britanniques, australiens, belges , hollandais, suŽdois  et franais. Les anglais liŽs au groupe Solidarity mais restŽs sur une base de la lutte de classe formaient dans ce groupe lÕopposition ˆ la Ē tendance Castoriadis Č ; le groupe avait refusŽ de participer officiellement ˆ la rencontre mais avait laissŽ ses membres qui le dŽsiraient y prendre part individuellement. Les hollandais appartenaient au groupe communiste de conseils Acte et PensŽe. Nous avons ŽvoquŽ au dŽbut de ce texte les belges de Liaisons. Les australiens reprŽsentaient un groupe de Brisbane le Self Management Group et les allemands un publication dÕune mouvance proche publiant Schwarze Protokolle ˆ Berlin Ouest.. Les franais Žtaient tous des Ē dissidents Č dÕICO . Tous les autres avaient ŽtŽ en contact avec ICO et Žtaient lˆ plus ˆ titre individuels. Toute une partie de la discussion fut consacrŽe, aprs un long report des luttes dans chaque pays, ˆ un dŽbat sur le Ē nouveau mouvement Č de lutte tel  quÕon pouvait en dŽgager les orientations dÕaprs cette analyse des luttes. Le texte publiŽ ˆ la fin de lÕannŽe 1974  reprend lÕensemble de ce qui fut exprimŽ dans ces Žchanges par lÕensemble des participants. Il fut mis au point par les camarades anglais, belges, hollandais et franais pour prendre la forme dans laquelle il est reproduit ci-aprs..

 

¤ 7 Š On doit ajouter que ce texte devint en quelque sorte la charte du rŽseau Echanges et Mouvement qui fut constituŽ peu aprs sur cette base internationale, le premier numŽro du bulletin Echanges paraissant ˆ la fin de la mme annŽe, sŽparŽment en franais et en anglais ( ce nՎtait alors et pendant des annŽes que quelques feuilles ronŽotŽes).. Certains , lisant ce texte, pourront juger quÕil est marquŽ par lՎpoque au cours de laquelle il fut rŽdigŽ, notamment sous lÕinfluence du bouillonnement dÕidŽes qui marqua mai 68 et les quelques annŽes qui suivirent. Chacun pourra en juger selon ce quÕil conna”t et analyse des luttes dÕaujourdÕhui, trente annŽes aprs. Pour Echanges et Mouvement , quelle que soit la validitŽ de tels reproches, ce texte nÕen reste pas moins , pour lÕessentiel, une des bases du travail poursuivi jusqu'ˆ maintenant, reflŽtant les tendances du mouvement de lutte, tendances qui , comme alors, ont beaucoup de mal ˆ sÕaffirmer, mais qui, au cours de ces trente annŽes ont pu se manifester ponctuellement mais clairement.

 

 

 

 

 

 

LE NOUVEAU MOUVEMENT

 

 

[1] Les luttes contre la domination capitaliste qui, sous ses formes modernes et diverses couvre tous les Etats du monde, montrent des tendances nouvelles en rupture totale avec ce quÕelles furent jusquÕau dŽbut du XXe sicle.

 

[2] Le trait commun et essentiel de ces tendances est la prise en mains par ceux qui luttent, par eux-mmes et pour eux-mmes, de la totalitŽ de leurs intŽrts propres, dans toutes les circonstances de leur vie, dans le domaine de lÕaction comme dans celui de la pensŽe.

 

[3] Les traits de ce que pourrait tre une transformation radicale des rapports sociaux se dessinent dans les bouleversements du capitalisme lui-mme, dans ses crises et ses tentatives dÕadaptation. Ces traits peuvent surgir dans des explosions isolŽes, et rapidement dŽtruits par les intŽrts dominants, ou sÕesquisser dans de lents cheminements, plus ou moins endiguŽs par des rŽformes.

 

[4] On peut constater plus ou moins dans tous les domaines de lÕactivitŽ humaine, dans tous les pays, ˆ lՎchelle des individus comme de toutes les collectivitŽs dans lesquelles ils sont impliquŽs. Les luttes sur les lieux mmes de lÕexploitation des hommes par le capital Š lÕentreprise Š reste essentielle ; mais les manifestations de ces tendances trouvent leur expression dans tous les domaines, avec des formes semblables. Les affrontements sociaux sՎtendent ˆ tous les secteurs de la vie sociale, montrant que lÕautonomie ne saurait tre limitŽe, mais bouleverserait tout.

 

[5] La fin de tout travail aliŽnŽ, donc de lÕexploitation, la fin de toute domination des hommes sur les hommes, transformera la totalitŽ des rapports sociaux. Si cela est vrai, il est tout aussi vrai que les luttes dans tous les domaines transforment en mme temps et au moment o elles se dŽroulent la totalitŽ des rapports sociaux.

 

[6] Ces tendances ˆ lÕautonomie et les formes originales, ouvertes ou diffuses, quÕelles prennent, se heurtent ˆ lÕensemble des structures du monde capitaliste : Etat, partis, syndicats, groupes traditionnels, et tout le systme de valeurs de la sociŽtŽ dÕexploitation. Il en rŽsulte des conflits permanents, tant pour lÕindividu que pour les groupes sociaux auquel il appartient. De ces conflits, on peut tirer la conclusion que les manifestations diverses du nouveau mouvement vont ˆ lÕencontre de toutes les formes dՎlitisme et dÕavant-gardisme : elles tendent ˆ dŽtruire toute hiŽrarchie et ˆ Žtablir de nouvelles formes de relations entre les individus eux-mmes, entre les individus et les organismes de luttes, entre ces organismes eux-mmes.

 

[7] Ces luttes et ces tendances se relient ˆ certaines luttes et tendances du passŽ ; comme par exemple lÕapparition des conseils ouvriers ou dÕorganismes homologues dans toutes les pŽriodes dans lesquelles les luttes sociales tendent ˆ menacer les bases mme du systme. La connaissance, lՎtude et la rŽflexion ˆ propos de ces faits sont un ŽlŽment de notre connaissance du prŽsent. Mais nous ne pensons pas que ce travail dÕinformation, dÕanalyse, de thŽorisation, doive conduire ˆ dŽfinir des modles. Ce qui surgit dÕune lutte est adaptŽ aux nŽcessitŽs de cette lutte et ne peut donc servir de but pour dÕautres luttes ou de critre pour ce qui surgit de ces autres luttes.

 

[8] Les ŽlŽments dÕun monde nouveau ont tendance ˆ se dŽgager en permanence du fonctionnement mme du systme capitaliste. Ces ŽlŽments sont ˆ la fois produits par ce fonctionnement et nŽcessaires ˆ ce fonctionnement, comme lÕest par exemple la nŽcessitŽ de lÕinitiative individuelle et collective ˆ la base pour faire fonctionner lÕentreprise capitaliste moderne par exemple. Les formes qui sÕen dŽgagent ne peuvent tre que transitoires, ŽphŽmres et marquŽes par la sociŽtŽ dans laquelle elles se sont dŽveloppŽes, comme, par exemple, le blocage de vastes unitŽs par des mouvements spontanŽs dans un secteur, la grve active, la rŽsistance au travail, les mouvements pour lÕamŽlioration de la condition des femmes, pour lÕamŽnagement des quartiers, etc. Il est important de souligner lÕexistence de ces ŽlŽments, dÕanalyser leurs dŽveloppements et leurs formes ; il est vain de glorifier les actions autonomes comme lÕavnement imminent de la rŽvolution ; il est tout aussi vain de les critiquer systŽmatiquement sous prŽtexte que leur isolement les conduit finalement ˆ concourir au renforcement du systme. Aux groupes traditionnels qui voyaient dans chaque grve la rŽvolution ou la dŽnonaient comme Ē rŽformiste Č, se sont substituŽs des groupes plus subtils qui proposent des formes de luttes Ē tactiques Č soit disant plus radicales.

 

[9] QuÕelles aient ŽtŽ glorifiŽes ou dŽnigrŽes, les actions autonomes nÕont ŽtŽ que rarement considŽrŽes comme les premiers sympt™mes dÕun nouveau mouvement dont lÕorganisation ne pouvait appara”tre et se dŽvelopper que dans la lutte elle-mme. Pratiquement, les tentatives dÕanalyses essaient dÕexpliquer lՎchec de ces actions, soit par leur Ē manque dÕorganisation Č, soit par lÕinexistence dÕun parti rŽvolutionnaire, le Ē manque de conscience Č, le retard idŽologique, etcÉ Toutes ces critiques relvent en fait des schŽmas anciens ou traditionnels jugeant ce qui se passe dÕaprs des critres dŽfinis par une Žlite rŽvolutionnaire. Cette Žlite aurait ˆ jouer, le moment voulu et par des voies diverses, un r™le central dans la rŽvolution. Cette Žlite devrait, dans la rŽvolution ouvrire, tre lÕannonciatrice des crises et tracer la voie libŽratrice, exactement comme la bourgeoisie lÕa fait en son temps. La rŽvolution, conue elle-mme comme lՎvŽnement unique, se trouve dŽtenir un pouvoir magique de transformation totale et brutale de tous les rapports sociaux : ˆ partir du moment o une force assez violente pourrait dŽsintŽgrer un maillon isolŽ de la cha”ne de domination du capitalisme mondial, tout devrait basculer dans la sociŽtŽ communiste.

 

[10] Le nouveau mouvement sÕoppose ˆ ce que nous appelons lÕancien mouvement. Cet ancien mouvement relve de schŽmas et de situations de la pŽriode historique du dŽbut du XVIIIe sicle jusquÕau dŽbut du XXe sicle, aux environs de la guerre de 1914. JusquՈ la premire guerre mondiale, on pouvait considŽrer comme valables les idŽes et les concepts surgis dans cette pŽriode. Ce qui, dans les partis ou organisations sociales-dŽmocrates, bolcheviques, syndicalistes, pouvait para”tre rŽvolutionnaire ˆ ce moment, a montrŽ que ce nՎtait quÕune rŽvolution dans la forme du capitalisme (capitalisme bureaucratique planifiŽ au lieu de capitalisme libŽral), laissant intacte la domination du capital et lÕexploitation du travail.

 

[11] LÕancien mouvement appara”t, depuis la premire guerre mondiale, de moins en moins adŽquat aux situations issues du capitalisme ainsi rŽnovŽ. Le nouveau mouvement, ds ses premires manifestations, sÕest dressŽ, non seulement contre les anciennes formes de lÕancien mouvement, alors mme quÕelles pouvaient encore contenir des illusions rŽvolutionnaires ; par exemple, les conseils dÕusines en 1917 en Russie et leur Žpilogue ˆ Cronstadt. Le nouveau mouvement met en cause non seulement lÕexistence de ce quÕon peut englober sous le terme dÕavant-garde (partis, groupes), mais aussi la conception mme de la rŽvolution. LÕancien mouvement, comme dŽtenteur prŽsent ou potentiel du pouvoir capitaliste, ne peut quÕengager une lutte ˆ mort contre toute manifestation du nouveau mouvement, soit pour lÕabsorber, soit pour le dŽtruire par la violence.

 

[12] Un des traits essentiels du nouveau mouvement est actuellement dans lÕattitude de ceux qui luttent et qui cessent de revendiquer, de personnes, de groupes, dÕinstitutions qui leurs sont extŽrieures : parents dans la famille, mari dans le couple, professeurs dans lՎcole ou lÕuniversitŽ, patrons dans lÕusine, syndicats dans les luttes, partis ou groupes pour lÕaction ou la thŽorie, etcÉ La forme de la lutte tend ˆ tre souvent la pratique mme de ce qui est revendiquŽ. La tendance nouvelle est de faire les choses que lÕon dŽsire par soi mme, de prendre et de faire, au lieu de demander et dÕattendre.

 

[13] Les manifestations les plus visibles de cette tendance sont dans les formes nouvelles de la lutte de classe et lÕextension des conflits de classe ˆ des affrontements entre dominants et  dominŽs dans toutes les structures de la sociŽtŽ. Ces affrontements dessinent la cassure entre tous ceux qui agissent pour les travailleurs Š quelques soient leurs motivations Š et lÕaction propre des exploitŽs. On peut trouver ces formes diverses dans les tentatives de rejet des syndicats, lÕorganisation souterraine des luttes, les tentatives de liaisons horizontales, les attitudes nouvelles des Žlves, des femmes, des homosexuels, des ouvriers devant le travail, etcÉ toutes attitudes qui expriment la lutte desintŽressŽs pour eux-mmes et par eux-mmes.

 

[14] Une des constantes des organisations Žtait de se considŽrer comme le mouvement ouvrier et de faire de lÕhistoire des organisations lÕhistoire du mouvement ouvrier. Le nouveau mouvement dŽveloppe sa propre histoire, qui nÕest finalement que celle du mouvement des travailleurs eux-mmes, dissimulŽe jusquÕici par ceux qui faisaient lÕHistoire de leur seule activitŽ Ē rŽvolutionnaire Č.

 

[15]  Le vieux mouvement ne peut envisager les diffŽrentes manifestations du nouveau mouvement que pour les assujettir ˆ ses buts politiques. En gŽnŽral, il sÕagit de condamnations sans appel sous des Žtiquettes comme Ē rŽformiste Č, Ē non-conscient Č, Ē marginal Č, etcÉ Mais la force du nouveau mouvement est telle quÕelle oblige les adeptes du vieux mouvement aux acrobaties les plus diverses pour tenter de se maintenir tant bien que mal dans le r™le quÕils se sont ou qui leur est assignŽ. Les transformations ou conflits au sein des parts ou syndicats, les scissions actuelles des diffŽrents partis ou groupes, sÕexpliquent souvent par des tentatives dÕadaptation des positions fondamentales aux caractres nouveaux des mouvements de lutte en les inflŽchissant dans leur intŽrt.

 

[16] Certains rŽptent inlassablement les mmes schŽmas, comme si le monde capitaliste ne sՎtait pas profondŽment transformŽ en 150 ans. Mais dÕautres essaient de sÕadapter ; on assiste ainsi ˆ un double courant :

 

a) Ceux qui veulent donner une valeur absolue ˆ certaines luttes particulires : on voit ainsi fleurir des thŽories privilŽgiant la lutte des jeunes, des femmes, des Žtudiants, des

marginaux, etcÉ Certains considrent le refus du travail et la destruction des lieux de travail comme le seul signe avant-courreur de la destruction du capital ; dÕautres veulent restreindre la notion de classe ouvrire au seul prolŽtariat dÕusine ; dÕautres enfin nient quÕil existe encore une lutte de classes, ne voyant plus que des individus victimes dÕune mme aliŽnation universelle.

 

b) Ceux qui, par contre, rejettent tout particularisme et conservent une tentative dÕexplication totale ; ils modernisent langage et thŽorie, intgrent plus ou moins lՎvolution du capital et de la lutte de classe, mais refusent en mme temps au nouveau mouvement sa caractŽristique essentielle : lÕautonomie dans tous les domaines de lÕactivitŽ dÕune lutte, sans exception.

 

[17] Ces tentatives ne sont pas toutes nŽgligeables, car elles aident parfois ˆ dŽgager le sens des manifestations nouvelles de lÕautonomie et ˆ souligner les ambigu•tŽs et limites de celles-ci dans la sociŽtŽ capitaliste. Mais lÕimportance de ces thŽories, idŽes ou activitŽs de groupe, est souvent dŽmesurŽment grossie par les dŽbats passionnŽs limitŽs au ghetto de Ē lÕavant-garde rŽvolutionnaire Č. Ces dŽbats eux-mmes, et les idŽes qui en sortentsont dÕailleurs, quoi quÕen pensent leurs auteurs, rŽcupŽrŽs, comme tout ce qui se dŽveloppe dans la sociŽtŽ du capital, par la classe dominante elle-mme : lÕavant-garde elle-mme finit par tre le creuset o sՎlabore lÕidŽologie dont les structures Žtablies par le vieux mouvement sÕemparent finalement.

 

[18] Dans les luttes, lÕintervention de cette avant-garde conduit ˆ une mme situation. La prŽtention est dÕapporter beaucoup ˆ ces luttes, dans tous les domaines. Mais, dans les faits, tout se passe dÕune manire totalement diffŽrente de ce quÕils pensent. Parfois, ceux dont ils voudraient faire les instruments de leurs buts politiques retournent la situation et transforment des bonnes volontŽs intŽressŽes en instruments de leurs propres luttes. Parfois, au contraire et plus souvent, cette intervention ne rŽussit quՈ freiner le dŽveloppement autonome de la lutte. Lˆ aussi, les partis ou syndicats quÕils prŽtendaient surpasser se servent de leur intervention pour canaliser et rŽprimer cette autonomie, ˆ laquelle ils semblaient pouvoir contribuer au dŽpart.

 

[19] Quelques soient les divergences entre tous ces groupes sur le plan de lÕaction ou de la thŽorie, mme sÕils se dŽchirent ˆ belles dents, ils ont tous en commun un trait essentiel : ils refusent de laisser ˆ ceux qui luttent la possibilitŽ de rŽgler par eux-mmes et pour eux-mmes la totalitŽ de la situation dans laquelle ils sont impliquŽs (action, organisation, but, tactique, rŽflexion, perspectives). A la rigueur, on reconna”t ˆ ceux qui luttent la dŽcision dans lÕaction et lÕorganisation, mais on leur refuse la Ē conscience de leur lutte Č et, a fortiori, la thŽorie et les perspectives. Ce faisant, on accorde une prioritŽ ˆ certaines formes de pensŽe par rapport ˆ lÕacte lui-mme. Le spŽcialiste de la pensŽe et de la rŽflexion politique redevient ainsi le supŽrieur hiŽrarchique de ceux dont acte et pensŽe sont indissociables, ce qui est prŽcisŽment le propre de tout tre dans le processus de lutte contre la domination sociale au sein mme de la collectivitŽ sociale dans laquelle il est impliquŽ. On peut voir de nombreux groupes qui acceptent lÕautonomie des luttes seulement si cela va dans une Ē sens socialiste, rŽvolutionnaire ČjugŽ ˆ lÕavance par des experts.

 

[20] Le nouveau mouvement nÕest pas ce que quelques-uns, fussent-ils nombreux, organisŽs, structurŽs, Ē cohŽrents Č, peuvent construire ou penser pour la Ē libŽration Č  des autres. CÕest ce que chacun ou tous crŽent par eux-mmes dans leur lutte, pour leur lutte, pour leur propre intŽrt. Le dŽpassement des particularismes, lÕunification des revendications, leur dŽpassement dans des problmes  plus gŽnŽraux, plus fondamentaux, les perspectives de la lutte, tout cela ne peut tre, ˆ un moment donnŽ, que le produit de la lutte elle-mme. Les syndicats parlent toujours dÕunitŽ, les groupes de fronts, de comitŽs, etcÉ ; dans toute grve o sÕexprime lÕautonomie de lÕaction, personne ne parle plus de cela, car la lutte est le fait de tous les travailleurs en marche.

 

[21] LÕapparition du mouvement autonome a fait Žvoluer la notion de parti. Le parti Ē dirigeant Č dÕhier, se dŽfinissant lui-mme comme Ē avant-garde rŽvolutionnaire Č , sÕidentifiait au prolŽtariat ; cette Ē fraction consciente du prolŽtariat Č devait jouer un r™le dŽterminant pour Žlever la Ē conscience de classe Č, marque essentielle des prolŽtaires constituŽs en classe. Les hŽritiers modernes du parti se rendent bien compte de la difficultŽ de maintenir une telle position ; aussi chargent-ils le parti ou le groupe dÕune Ē mission Č bien prŽcise pour supplŽer ˆ ce quÕils considrent comme les carences des travailleurs ; dÕo le dŽveloppement de groupes spŽcialisŽs dans lÕintervention, les liaisons, lÕaction exemplaire, lÕexplication thŽorique, etcÉ Mais mme ces groupes ne peuvent plus exercer cette fonction hiŽrarchique de spŽcialistes dans le mouvement de lutte. Le nouveau mouvement, celui des travailleurs en lutte, considre tous ces ŽlŽments, les anciens groupes comme les nouveaux, en parfaite ŽgalitŽ avec ses propres actions. Il prend ce quÕil peut emprunter ˆ ce qui se prŽsente et rejette ce qui ne lui convient pas. ThŽorie et pratique nÕapparaissent plus quÕun seul et mme ŽlŽment du processus rŽvolutionnaire ; aucune ne prŽcde ou ne domine lÕautre. Aucun groupe politique nÕa donc un r™le essentiel ˆ jouer.

 

[22] La rŽvolution est un processus. Ce que nous avons pu relever en sont les premires manifestations dans tous les domaines sociaux. Personne ne peut dire sa durŽe, son rythme et les formes quÕil prendra. Ses manifestations seront inŽvitablement violentes, car aucune classe ne se laissera dŽpossŽder sans rŽsister avec la dernire Žnergie. Mais cette bataille ne sera les batailles rangŽes au terme desquelles on verrait lÕeffondrement des armŽes du capital, et lÕinstallation de Ē structures rŽvolutionnaires Č. Toute une sŽrie dՎvŽnements dont on ne peut prŽvoir ni le lieu, ni le domaine, ni la forme, pourront toucher toutes les structures sociales sur tous les points du globe, aussi surprenants sans doute par leur soudainetŽ que par leur caractre. Aucun dÕeux ne constituera la rupture brutale et gŽnŽrale attendue ; il ne sera quÕun ŽlŽment qui pourra nÕavoir aucun lien direct apparent avec les autres. Personne ne peut prŽtendre aujourdÕhui que la rŽvolution russe, la rŽvolution espagnole, les insurrections des pays de lÕEst (Hongrie, Pologne), Mai 68 en France, aient ŽtŽ la RŽvolution. Pourtant, chacun de ces Žvnements a profondŽment marquŽ lՎvolution du capital et du processus rŽvolutionnaire. Si lÕon regarde le monde dÕaujourdÕhui, on peut dire que les rŽvolutions au sens jacobin du terme passent de plus en plus ˆ lÕarrire-plan, mais que le processus rŽvolutionnaire lui-mme est de plus en plus puissant.

 

[23] Cette idŽe de la rŽvolution dans un seul Žvnement continue ˆ hanter non seulement les vieilles thŽories marxistes ou anarchistes de conqute ou de destruction de lÕEtat par un affrontement direct, mais aussi tous les succŽdanŽs plus ou moins modernisŽs de ces thŽories. Le vieux mouvement dŽploie des trŽsors dÕingŽniositŽ et des efforts dŽmesurŽs pour essayer de construire lÕorganisation adŽquate, soit ˆ lÕaide de vieilles formules (lŽninistes divers, nŽo-anarchistes), soit sur de nouvelles formules (marginaux, comitŽs divers, communes), soit en se faisant les promoteurs dÕun nouvel Žlitisme au nom dÕune Ē exigence Č thŽorique et pratique.

 

[24] Paralllement, se dŽveloppent au grŽ des luttes ou des circonstances, des organismes assumant une t‰che dŽterminŽe, qui Žclatent et se recomposent diffŽremment ailleurs. Ils prŽsentent souvent des caractres ambigus, Žtant souvent impulsŽs par des membres de groupes non dŽnuŽs dÕavant-gardisme, tendant ˆ se substituer ˆ ceux qui luttent. Mais, de plus en plus, leur existence est Žtroitement liŽe ˆ une lutte, et ils doivent traduire les intŽrts de ceux qui luttent, rester sous leur contr™le. Toutes les tentatives, ou pour les faire survivre aprs la lutte, ou pour leur donner une autre orientation ou les rattacher ˆ une organisation politique, constituent autant dՎchecs, souvent leur mort.

 

[25] De plus en plus, les individus en lutte pour leur propre intŽrt tendent ˆ assumer eux-mmes toutes les t‰ches qui surgissent au cours des luttes (coordination, informations, liaisons, etc.). Dans la mesure o ils ne se sentent pas assez forts pour le faire par eux-mmes, ils ont recours aux organisations qui sÕoffrent ˆ eux : sections syndicales, Ē gauchistes Č, groupes diversÉ Ces interventions et liaisons ˆ la fois dŽveloppent et freinent lÕautonomie. elles la dŽveloppent dans la mesure o elles multiplient les ouvertures, les liaisons de toutes sortes et donnent confiance ˆ ceux qui les utilisent dans leur lutte contre les structures lŽgales Žtablies. Elles freinent lÕautonomie dans la mesure o elles tendent ˆ ramener la lutte dans des structures (syndicats ou partis) ou des courants dÕidŽes et bloquent sur une idŽologie se referant au passŽ une action (et lÕimagination qui lÕaccompagne) tournŽe vers le futur.

 

[26] Il appara”t ainsi quÕil existe un double affrontement de la base, dÕune part avec le capital et ses structures, dÕautre part avec ceux qui, luttant apparemment contre lÕordre Žtabli, rvent de constituer de nouvelles structures, imposant aux travailleurs les conceptionsdÕune Ē Žlite rŽvolutionnaire Č. Il se constitue ainsi un Žnorme rŽseau de liaisons horizontales empruntant des canaux divers, extrmement mobile, multiforme, permanent autant quՎphŽmre, puissant par lÕaccumulation des bonnes volontŽs, renouvelant les moyens matŽriels avec une force insouponnŽe. Il se produit un Žnorme brassage dÕidŽes, de thŽories, mettant ˆ nu sans concession les faiblesses et les forces des uns et des autres : tout un processus dÕauto-Žducation et dÕauto-organisation par et dans la lutte semble commencŽ, dont ne peut prŽvoir forme et aboutissement.

 

[27] Certains croient dŽcouvrir dans ce bouillonnement nouveau de forces et dÕidŽes la naissance dÕun nouveau mouvement de rŽvolutionnaires, dÕun nouveau parti. Ils essaient de rajeunir, ˆ la faveur de ces tendances, les vieilles thŽories de lÕorganisation et du parti, ou celles de lÕaction directe et des minoritŽs.

 

[28] Le nouveau mouvement en est pourtant la nŽgation mme. Une des preuves est lÕimpossibilitŽ concrte de toutes les tentatives de monopoliser dans une seule organisation les courants qui sÕexpriment, de couvrir dÕune seule idŽologie les voies innombrables de lÕaction et de la pensŽe de ceux qui luttent. La tentation de regrouper dans des manifestations cette Ē avant-garde Č diffuse, non-rŽcupŽrable, participe elle-mme de lÕidŽe de tous ceux qui se considrent comme en faisant partie. Ces manifestations tŽmoignent ˆ la fois de la force et de la faiblesse de cette Ē Žlite rŽvolutionnaire Č. Force parce quÕen regard des partis traditionnels, elle para”t nombreuse et peut jouer un r™le non-nŽgligeable dans certaines luttes. Faiblesse parce quÕelle permet, ˆ cause de cet Žlitisme, et dans la croyance en sa force, toutes les manipulations des groupuscules et lÕillusion quÕelle peut se substituer ˆ lÕaction propre des exploitŽs. Derrire tout cela, on retrouve lÕidŽe quÕon peut faire la rŽvolution pour les autres.

 

[29] Nous avons dŽjˆ soulignŽ que les nouvelles formes de lutte tŽmoignant de lÕexistence du nouveau mouvement sont des formes transitoires modelŽes par les circonstances mmes de la lutte ˆ un moment donnŽ, et que, dans sa tentative de dŽsarmer ceux qui luttent et de surmonter la crise qui a donnŽ ouverture ˆ ces luttes, le capital essaie dÕamŽnager ˆ son compte ce que la pratique a fait surgir. Ces tentatives viennent inŽvitablement des fractions les plus dynamiques des structures de domination, de celles qui encadrent les exploitŽs : entreprises, syndicats, partis, etcÉ LÕautogestion Žtablie par dŽcret du pouvoir dÕEtat (quel quÕil soit) nÕest quÕune tentative parmi dÕautres dÕadapter les structures de domination du capital. Comme toutes les adaptations, elles ne parviennent quՈ crŽer de nouvelles formes de lutte et ˆ dŽvelopper de nouvelles luttes Žmancipatrices. Tous ceux qui confondent la vŽritable autonomie des luttes avec sa rŽcupŽration (jamais complte) veulent nier la dialectique de la lutte tout en imposant leur Ē science thŽorique Č aux travailleurs sous prŽtexte de leur Žviter de tomber dans le Ē pige de lÕautogestion Č, etc.. En rŽalitŽ, ceux qui luttent savent, mieux que la plupart des idŽologues des nouveaux groupes, distinguer, dans leur pratique, entre lÕautonomie commandŽe par leurs intŽrts propres et les tentatives dÕintŽgration commandŽes par lÕintŽrt du capital.

 

[30] Ce qui se passe dans les luttes fait vite justice de toutes ces prŽtentions : une des caractŽristiques du nouveau mouvement, celui des exploitŽs eux-mme, cÕest de rŽduire les prŽtentions de ceux Š minoritŽ, Žlite rŽvolutionnaire Š qui prŽtendent tre ce nouveau mouvement  et de les ramener au r™le que ceux qui luttent leur assignent. LÕexistence et le r™le dÕun Ē groupe rŽvolutionnaire Č se trouvent radicalement transformŽs. La prŽtention ˆ lÕuniversalitŽ se trouve rŽduite ˆ un ŽlŽment dÕune expŽrience parmi dÕautres. Toute thŽorisation nÕest quÕune partie dÕun tout et prise comme telle. Au moins aussi importante que les luttes et liŽe Žtroitement ˆ lՎvolution de celles-ci est la transformation des attitudes, des mentalitŽs face aux valeurs traditionnelles du capital et des organismes qui sÕy rattachent. Cette transformation est une partie importante du processus rŽvolutionnaire.

 

[31] La critique par les faits concerne tous les aspects de la thŽorie, y compris les conceptions de lÕorganisation. LÕengagement que lÕon se donne soi-mme est dÕabord motivŽ par lÕexpŽrience que lÕon que lÕon se donne soi-mme est dÕabord motivŽ par lÕexpŽrience que lÕon a soi-mme des rapports sociaux dans un monde capitaliste. Cette expŽrience, la rŽflexion ˆ ce sujet et les conclusions quÕon en tire, ne sont jamais quÕun aspect particulier, dans un monde si vaste, aux interrelations si profondes et si peu connues, et en perpŽtuelle transformation ; personne ne peut prŽtendre dŽtenir une vŽritŽ autre que la sienne, qui e place sur le mme plan que touts les autres.

 

[32] Mme lorsquÕil rencontre avec dÕautres en vue dÕune rŽflexion ou dÕune action commune, chacun nÕagit dÕabord que pour lui-mme. RŽflexion et action du groupe nÕont pas plus de valeur que celles de nÕimporte quel autre groupe semblable. Quelles que soient les Ē t‰ches Č quÕil se donne, quel que soit le niveau de gŽnŽralisation de son intervention ou de sa pensŽe, il ne saurait en tirer lui-mme une position supŽrieure sur les autres groupes analogues ou sur lÕorganisation du mouvement de lute tel quÕil appara”t dans le nouveau mouvement.

 

[33] De tels groupes ou organisations ont toujours existŽ sous des formes diverses, avec des prŽtentions diverses. Leur multiplication prŽsente est un facteur positif et montre prŽcisŽment que chacun des groupes se dŽveloppe sur des circonstances particulires ˆ ceux qui le forment. Tout ce qui prŽcde vise ˆ dŽfinir ce qui pourrait tre pour un tel groupe une orientation gŽnŽrale de travail, ˆ prŽciser relativement au nouveau mouvement tel quÕil a ŽtŽ esquissŽ. La conception mme du nouveau mouvement, telle que nous lÕavons abordŽe dans ce texte, peut se trouver elle-mme transformŽe ˆ mesure de lՎvolution du processus rŽvolutionnaire. Le nouveau mouvement nÕest pas un absolu immuable, mais une pratique en constante mutation ˆ laquelle nous ne pouvons prŽvoir un futur.