Lettre ouverte Thorie communiste
Sur votre pratique thorique en gnral et en particulier dans le cas de Meeting
C. Charrier
Marseille, octobre 2005
Il faut considrer pratiquement la thorie.
Thorie Communiste[1]
Je partage videmment lanalyse que vous faites dans
votre Pour Meeting de dbut octobre
de l affaire parisienne du mois daot, ainsi que les prolongements
que vous lui donnez propos de la crise latente que subit Meeting. Pour autant, et ceci mme si je nai rien contre les
propositions, en ellesmmes, que vous faites pour sortir de cette crise (dans
la mesure o elles reviennent au final ce quՎtait cens tre Meeting), votre plaidoyer pro Meeting nentame pas ma dcision de quitter le navire. La
question mes yeux centrale : la confusion des genres sur la nature du
collectif et en consquence sur ce
quest la revue (cest dj la question qui a coul le premier projet de revue
envisag par Senonvero jy reviens) ny est pas aborde sinon sous la forme
de la dnonciation de Meeting comme
organe du courant communisateur, une dnonciation que je partage, mais qui ne
dit rien sur ce que Meeting
pourrait tre dautre, dans la mesure o vos propositions nengagent rien de
ce point de vue.
Ce que vous dites dans Pour Meeting confirme exactement ce que jՎcrivais dans mon Communisation
point dorgue en avril dernier, et le
rend plus que jamais actuel, sauf que vous tes les seuls vous en tre rendu
compte. Cependant personne ne semble savoir ce quest un point dorgue
: cest un temps darrt qui suspend la mesure sur une note dont la
dure peut tre prolonge volont La mesure cest bien sr la communisation,
la note cest ce que nous savons delle, le temps darrt et certes ad
libitum mais il vise ne pas faire de
la communisation une vente promotionnelle comme je dis, ou un label
comme vous lՎcrivez. Pourtant les choses sont alles fortissimo comme par un effet daspiration, commencer chez
vousmmes dans la mesure o vous signez pas moins de 4 articles sur 10 dans le
premier numro et 6 sur 13 dans le second Donc soit nous navons pas le mme
sentiment de la dure, soit nous ne parlons pas de la mme chose.
Au final je ne crois pas que votre Pour Meeting permette de dpasser les rserves que jai pu mettre
dans mon point dorgue. PeutАtre
cela quivautil replier les voiles au premier grain , comme vous dites.
En ce qui vous concerne vous crivez : On verra. videmment on
verra ! Mais il est possible de tenter de produire ce que lon veut voir
et ne pas ramasser ses billes au nom de sa belle me. ( 18). Parfaitement
daccord, videmment on verra sauf que cela suppose que lon soit daccord sur
ce que lon veut voir , premirement. Deuximement, cela suppose que Meeting soit, malgr tout, le cadre adquat de cet accord et,
audel quun accord soit ncessaire Autant de suppositions que je nai pas
besoin de faire miennes dans mon
activit thorique. Pour le dire crment : je nai pas besoin de Meeting pour publier ma thorie dans la mesure o, comme vous dites, la Matrielle, a une existence autre ( 7). Objectivement cest
galement votre cas, mais jusquՈ quel point ? Et pourquoi vous acharnez
vous dfendre ainsi lexistence de Meeting ? Cest ce que jessaye de comprendre dans les
lignes qui suivent. Un essai qui, quoi quil en soit de sa pertinence, me
semble utile lavenir de la thorie de la rvolution qui, pour ma part, me parat plus relever dune multiplication de foyers thoriques indpendants dont Meeting pourrait tout aussi bien rendre compte , comme des
concentrations thoriques qui ninterdisent pas les scissions ultrieures,
etc., plutt que dune centralisation qui naugmenterait pas en
ellemme la production thorique totale, ce vers quoi vous me paraissez
tendre. En tout cas un essai de comprhension de lactuel, et en loccurrence
de votre actuel, plus utile quun
essai dsespr pour tenter de sauver ce qui peut lՐtre encore.
Lobjet de ma Lettre est donc votre pratique thorique, ce vocable pompeux (Denis, Christian exagre, 5) qui, quoi quil en soit de sa pompe, est
difficile aborder dun point de vue thorique forcment abstrait (dautant
plus que nous nen avons pas lhabitude) mais peutАtre estce pour cela,
pour ne pas y tre confront, quon le qualifie ainsi.
Pour conclure ce rapide prambule, il faut parler de
Senonevero. Comme pour Meeting, le
collectif, dans sa premire forme, a fini par rencontrer ses limites et lon a
souvent parl de crise , laquelle sest dans la plupart des cas exprime
travers le clivage qui existait entre ceux qui crivaient les livres et ceux qui les fabriquaient lequel se manifestait dautant plus violemment que
nous ne publions alors que des textes issus du srail. Cependant cette crise latente
avait un sens plus profond que celui fonctionnel travers lequel elle se
donnait voir dans la mesure o elle portait (dj) sur la tche du
collectif entre dition ou production thorique. Une difficult que nous navons pas su rsoudre.
Passons sur le droul de lՎchec du premier projet de revue pour nen
conserver ici que lobjet de la polmique quil a occasionn. Les choses se
sont focalises sur le fait de savoir si la revue devait tre prise en charge
par un comit de rdaction ou par
une assemble rdactionnelle. Au
final cest cette dernire option qui lemporta. On a pu dire lՎpoque quil
sagissait l dune fausse question qui laissait dans lombre le contenu de la
revue : je ne lai jamais cru et je le crois moins encore aujourdhui au
vu de ce qui se passe dans Meeting
avec une assemble rdactionnelle qui fonctionne comme un mauvais comit de
rdaction qui fonctionne comme une mauvaise assemble. Et pour avoir la chvre
et le chou, on se retrouve ni avec lune ni avec lautre. Les questions
dorganisation ou de forme ne sont jamais neutres tant il est vrai que ce ne
sont jamais que celles de la forme de mouvement dans laquelle les contradictions du contenu peuvent
ou ne peuvent pas se mouvoir. Elles sont donc toujours prsupposes par autre
chose quellesmmes, commencer par la conception que lon a de lactivit
thorique et de la pratique que suppose cette conception.
Aprs ce premier chec, donc, parmi divers avatars des
contradictions de Senonevero (crise des italiens avec Mouvement
communiste, dpart de Lola, affaire
DB et dpart conscutif de Denis) il y a eu Meeting. Aujourdhui la donne parat avoir chang pour le
collectif Senonevero qui peut se concentrer sans tats dՉme sur son travail
dՎdition Or je constate que ses anciens dmons (diter de la thorie ou en
faire ; collectif dՎdition ou groupe thorique) on t export dans
Meeting avec toutefois des formes
spcifiques comme vous lexposez dans votre texte. Vous comprendrez donc mon
insistance ne pas laisser gcher , comme vous dites, Senonevero par Meeting et ses difficults, en retour ; Senonevero qui
demeure pour moi une excellente initiative qui en lՎtat actuel des choses
me parat correspondre ce que peut tre une pratique thorique adquate
lՎpoque. Vous comprendrez galement quil ne me paraisse pas opportun de
discuter des contradictions de Meeting dans un cadre qui ne vit que de ces contradictions mme si cest dans
le but de transformer Meeting en
ce quil aurait d toujours tre ( 12) un retour vers le futur
qui ne laisse pas dՎtonner sous votre plume habituellement peu encline
considrer quil existe des erreurs de circonstances susceptibles dՐtre
corriges De toutes faons, je crains fort que votre programme de retour
loriginal soit inapplicable ; non parce quil est mauvais ou
incomplet : on pourrait lenrichir de nouvelles mesures que cela ne
changerait pas grand chose sur le fond. Il est inapplicable parce que vous
ne trouverez personne pour lappliquer.
Et vous ne trouverez personne pour lappliquer parce quil suppose une
volont thorique que vous seuls possdez dans votre thorie de lՎcart
qui fonde votre critique de lautoorganisation comme autonomie, laquelle
soustend la plupart de vos propositions de rforme. Dans ces conditions, sauf
renouveler radicalement le personnel de Meeting, vous tes seuls tes en mesure de mettre ce
programme en uvre mais alors Meeting ne serait plus Meeting et
vous pourriez tout aussi bien publier une version plus courante de Thorie
communiste. Je peux me tromper. De toutes
faon, tout en proposant de revenir loriginal, il faudrait se demander
pourquoi on ne sy est pas tenu
*
Premire
partie : Meeting et vous
1. La question principale est la suivante : Quelle
pratique thorique rclame le cours
actuel de la production capitaliste et de la socit quelle constitue comme
lutte de classes ?
La question subsidiaire est : le collectif
dՎdition de la revue Meeting,
peutil tre le lieu de cette pratique thorique, et dans quelle mesure ?
2. Sur cette dernire question votre rponse ne laisse
aucun doute : Meeting demeure
pour vous une excellente initiative qui correspond en outre un
besoin thorique actuel (1), Meeting a de lavenir , le projet intresse beaucoup de
monde et vous ne le laisserez pas gcher (10). Pourtant, vous lire, il
apparat que Meeting vous pose des
problmes des problmes de communication , comme on dirait
aujourdhui : cest Roland qui, Poznan, sest retrouv dans la situation
dsagrable de devoir luder les questions sur son fonctionnement et dՎviter
la moindre proposition de participation (2) ; plus gnralement vous vous
demandez comment proposer des gens simples et srieux un quelconque
change de participation dans un tel cadre (2) et, pour finir, vous tmoignez
quil vous est de plus en plus insupportable de vous dfiler quand des
personnes susceptibles dy participer vous parlent de Meeting (22).
Si tel est effectivement le cas, je comprends que
cette situation ne soit pas tenable terme, et si jՎtais votre place je
ragirai exactement comme vous : comment concilier une chose que lon juge
excellente, tout fait adapte des besoins et dont, simultanment, on ne peut
pas parler ? La diffrence entre vous et moi, cest que, prcisment, je
ne suis pas votre place. Cest pour cette raison que dans les lignes qui
suivent je ne vais pas me livrer une critique de votre position mais que je
vais essayer au contraire de la comprendre dans la cohrence de sa logique. Ce qui appelle une troisime question : questce
qui vous met ainsi dans lembarras ? Estce vraiment l tat actuel de Meeting, comme vous le dites, ou votre propre rapport la
chose ?
videmment, cette faon de poser la question induit
tout de suite ma rponse. En effet, sil sagissait simplement de rpondre
des questions touchant le fonctionnement de la revue, comme vous le mettez en
avant, je ne vois pas o est le problme dans la mesure o celuici est dment
expos en quatrime de couverture,
encadr par lInvite et quil
prend forme dans lassemble rdactionnelle Cela suffit, me sembletil, qui
veut participer Meeting ;
en outre il y a le site entre temps. Certains, commencer par Calvaire, nont
pas eu besoin de plus dinformations pour entrer dans ce fonctionnement, mais
aussi Maxime et Le Niveleur du Cercle de discussion de Paris, Patlotch et Simpson. Et il y a aussi le forum de
discussion qui parle de luimme.
3. Pour revenir linsatisfaction que vous prouvez
lՎgard de Meeting, en le disant
sans fard, votre image, et en esprant comme vous que mes propos ne seront
pas pris de travers, il me semble
que le problme que vous avez avec Meeting ne tient pas tant la chose ellemme quՈ la vision que vous en avez, donc vousmme. Je mexplique.
Dans mon cas, linsatisfaction que jai
prouve par rapport Meeting,
tient au fait que la revue ne remplit pas le rle qui devrait tre le sien
mes yeux qui est de rendre compte de lactivit thorique actuelle (quelle parle explicitement ou non de communisation
et mme si elle sen loigne) et autant que possible, compte tenu de nos
capacits de traduction, den rendre compte dun point de vue international, non par got des voyages ou pour promouvoir une
thorie internationale , comme je lai expliqu dans la prsentation du texte
de Caffentzis (Incommensurable valeur ?, dans la PB de la Matrielle), mais pour sortir de la problmatique de la
thorie franaise (de lidologie franaise ?) telle
quelle existe depuis 1968. Au contraire, tout un chacun sest mis crire
POUR Meeting ce qui nest pas
pareil que pro Meeting dans la
mesure o cela revient un pro domo
au dtriment du travail purement ditorial de veille thorique . Pour ma
part je nai crit quun seul article spcifique, et encore jai attendu le
numro 2 pour le faire. Mon insatisfaction lՎgard de Meeting, ne tient pas au fait que lon ait pas endoss la
problmatique de la Matrielle
telle que je la prsente dans le texte en question : celuici prsente
cette problmatique et les axes de recherche quelle suppose, mais cela ne
signifie aucunement que cest dans
Meeting que jaurais poursuivi et dvelopper cette problmatique. la limite, ce nest pas moi de choisir les textes de la Matrielle susceptibles dՐtre publis dans la revue et donc den
valuer la pertinence gnrale ; ce qui est une autre manire, corollaire,
de dire quՈ mes yeux on nՎcrit pas pour Meeting, en tout cas pas systmatiquement. A contrario, cest moi qui dcide de publier dans ma Petite
Bibliothque lextrait de votre dbat avec Aufheben sur la priodisation du mode de production
capitaliste, cela du point de vue de ma problmatique, bien sr, mais aussi
parce que je considre que ce texte a un intrt intrinsque pour la thorie en
gnral. Il en va de mme lorsque je dcide de traduire la rponse dAufheben
(cest en cours) au texte de Goldner
sur la classe ouvrire amricaine, par exemple.
Il y a cependant un norme
prsuppos tout cela : cest que je considre que ces travaux de traduction
ou de rdition sont aussi importants que ma propre production thorique, aussi utiles du point de vue
de la thorie en gnral ce qui est une rponse la question que je pose en
ouverture de cette Lettre
sur la nature dune pratique thorique adquat lՎpoque actuelle. Or il ne me
parat pas que telle soit votre faon des percevoir la chose, sans pour
autant que ce soit un choix dlibr de votre part. Et cest l le plus important.
4. Si je dis en effet que lessentiel de votre
insatisfaction lՎgard de Meeting
tient vousmmes et non la ralit actuelle de Meeting mme si cest lusage de la chose que cette insatisfaction a pris corps ,
cest parce quil tient la vision que vous vous en faite partir du moment
o vous ne pouvez faire autrement
que considrer votre thorie de la rvolution comme LA thorie naturelle de
lՎpoque, ou mieux : comme la
thorie naturelle lՎpoque dans
la mesure o la premire formule suppose encore une distance entre les deux qui
nexiste pas chez vous , ce qui na rien voir avec le sentiment lgitime de
nimporte quel thoricien un peu srieux davoir raison, pas plus que cela ne
supprime les doutes que chacun peut avoir sur son propre travail, et ce qui
nest pas non plus la marque dun ego
dmesur ou dune ambition dvorante. Jai bien dit : vous ne pouvez pas
faire autrement, objectivement vous tes contraint de considrer ainsi votre thorie.
ce propos jespre que vous ne prenez
pas au srieux la Phnomnologie de
Thorie Communiste laquelle Franois
rduit sa prsentation des textes de Rupture dans la thorie de la
rvolution (autant dommageable pour le
collectif Senonevero en ce quil lembarque dans la lettre de son propos, que
mon avis , pour vous) lorsquil crit : il sagit aussi et surtout de
montrer [au travers de lanthologie. N.d.A.] en quoi la critique de ces analyses fonde la thorie de la
nouvelle poque, ouverte aux alentours
de 1975 par la restructuration qui sachve aux alentours de 1995 (p.
7 ; je souligne) et quil fait de chacun des textes prsents autant de
moments de ladvenir de Thorie communiste.
5. Pour le dire sans circonvolutions, je pense que le
problme que vous avez lՎgard de Meeting, nest pas tant dexposer son fonctionnement, ou plus
gnralement ce quest Meeting, que de parler de Thorie Communiste dans le cadre de Meeting, ou de situer Thorie Communiste par rapport Meeting et vice versa si tant est que cest une chose de
dire que Meeting a de lavenir
(si vous le dites) et que le projet qui le soustend intresse beaucoup de
monde (je nai pas de raisons de penser que vous mentez si cest vous qui le dites) et que a en est une autre de dire que Thorie
Communiste a de lavenir et que sa
problmatique intresse beaucoup de monde, ce dont je ne doute pas une seconde.
Pourtant il me parat vident que cest cela que vous dites et que
simultanment vous ne pouvez pas dire, sauf identifier Meeting et Thorie Communiste, ce que je ne vous suspecte pas de vouloir faire car,
ne seraitce que de votre point de vue, vous ne pouvez pas le faire dans la mesure o dans ce cas Meeting naurait plus aucun intrt pour vous. Mais, dans le
mme temps, vous ne pouvez pas plus subordonner Thorie Communiste Meeting
Voil la contradiction (apparente) dans laquelle vous vous dbattez. Je dis apparente parce que je voudrais montrer ici quau contraire
cela est le signe de la cohrence de votre pratique thorique ; ce qui ne
supprime pas pour autant les difficults de mise en uvre de celleci.
Que je sache, Roland nest pas all Poznan en tant
quenvoy de Meeting ! Il ny
est pas all sur la base de la critique de lAppel rdig par Denis, ni sur celle de larticle de Joachim,
mais sur vos propres positions ce qui est normal, l nest pas la question.
La question cest que vous ne savez pas comment coiffer votre double casquette.
Il nen va pas de mme lorsque vous faites des
propositions pour sortir Meeting
de sa crise latente : cest partir de votre propre problmatique, mme
si cest de faon plus discrte (vous ne parlez pas de votre thorie de
lՎcart et vous vous contentez dՎvoquer la crise du discours sur l autonomie
). Je vous entends dj : sur quelles bases autres que les ntres
voudraistu que nous fassions des propositions ? Bien sr de votre
point de vue il ne peux pas y avoir
dautre solution. Il nempche que cest l la mesure de votre insatisfaction
par rapport Meeting. Lessentiel
de vos difficults et ce qui vous insupporte , ce nest pas comme
vous le dites davoir [vous] dfiler quand [vous] parlez de Meeting et
dՎluder les questions quand des personnes [vous] en parlent , je pense que
cest surtout de ne pas savoir comment faire votre thorie dans Meeting et au sein du collectif plus que dans le revue et donc de ne pas
savoir comment en parler (et ce nest donc un problme de communication
que dans la forme), alors que simultanment, parce que vous ne pouvez considrer
votre thorie autrement que comme naturelle lՎpoque vous ne pouvez pas ne
pas la faire aussi dans Meeting
alors que je considre pour ma part, comme je viens de le dire, que Meeting nest pas l pour que lon vienne y faire sa thorie
sauf ne pas se donner une existence autre , ce que vous dnoncez par
ailleurs juste titre comme la cause de quelques uns des maux qui frappent le
collectif ( 7).
Comprenez moi bien : je ne suis pas
en train de vous faire un procs dintention, ou de dire que vous tes des
menteurs ou des hypocrites en ne disant pas ce que vous pensez vraiment, et
encore moins de critiquer votre position : je cherche au contraire
comprendre le sens de cette
position audel de son nonc immdiat, dans sa cohrence interne comme cohrence de votre pratique thorique sinon je pourrais tout aussi bien faire des
difficults que vous exposez des contradictions et les dnoncer comme telles,
mais quoi a servirait ? En revanche, la manire dont jopre en lisant
votre texte, comme une critique interne (un peu symptomale , je vous laccorde !), me parat plus
utile, positivement ; en tout cas elle lest pour moi et peutАtre le
seratelle pour dautres. Et que lon ne vienne pas me dire que je veux ainsi
me donner limage du thoricien docte et audessus de la mle (Denis, Christian
exagre, 8) : si on avait pris
la peine de prendre un peu de hauteur dans nos discussions passes pour essayer
de comprendre le qui du quoi au lieu de nous rfugier dans le nondit de
compromis historiques aussi boiteux quinutiles (et jy ai particip
activement, mea culpa, mea maxima culpa) et, pour tout dire, politiques, cestЈdire afin de
prserver l intrt suprieur de Meeting, nous nen serions pas l.
6. Lorsque je dis que vous ne pouvez faire autrement
que considrer votre thorie comme la thorie naturelle lՎpoque, a veux
dire que je ne parle pas dun choix que vous pourriez faire ou ne pas faire, ou
dune politique, je parle dun fait dexistence du corpus
tcien et non dun fait idel
comme Franois dans sa phnomnologie de Thorie communiste. Je parle donc dune Existence comme une qualit inhrente votre systme thorique (et de cette systmaticit comme attribut), une qualit que ne possde nul autre
corpus actuel (sauf peutАtre Invariance, et lInternationale Situationniste, mais sur la base dune autre construction) et qui ne se mesure pas en
nombre de numros publis ou en anciennet aux quartiers de
noblesse thorique comme vous dites ( 17). Cette Existence transcende ou
transvalue tous les moments logiques de votre corpus et renvoie ce que jappelle votre vision
panthorique du monde (la Matrielle n. 15, note 2). LExistence dont je parle nest pas une existence
mystique : Thorie communiste
nest pas la thorie incarne, mais leffectivit de la thorie telle que vous la concevez et la pratiquez comme faisant partie intgrante et ncessaire de ce cycle de lutte
, ce que rsume parfaitement votre formule selon laquelle les luttes sont
thoriciennes, et la distinction que
vous tablissez (non sans subordonner le premier terme au second) entre la
thorie au sens restreint , comme activit dabstraction, et la thorie
comme dtermination du proltariat dans son existence contradictoire au
capital.
Cette Existence est la fois votre force et votre faiblesse dans la mesure o elle simpose vous tout autant quaux autres. Dans ce dernier cas elle produit la difficult se confronter directement avec vous et parfois votre rejet, non pas forcment cause de ce que vous dites mais de ce quEst votre thorie et de la manire dont ce quelle Est vous le fait dire, de ce que vous reprsentez, ce qui ne manque pas de desservir votre propos. Dans le premier cas elle peut vous amener sur des terrains glissants, au risque de vous faire embarquer (au sens marseillais !) comme cela a t le cas avec le dmocratisme radical, comme vous lavez vousmme finalement reconnu : Dans TC 13, laffirmation de nos positions a revtu la forme inadquate dun change direct engag avec contre courant en gnral et A. Bihr en particulier. LՎchange direct a parasit le contenu essentiel de ce que nous avons dit (ditorial du n. 14, dcembre 1997, p. 7). Soit on refuse de vous comprendre, soit vous passez ct de ce que vous aviez dire, dans les deux cas vous nՐtes pas compris : les positions que nous dfendons ont une grande difficult tre reconnues pour ce quelles sont (n. 17, septembre 2001, p. 16) ; On voit la difficult quil y a exposer nos analyses que nous situons audel du programme (ibid. p. 17) ; On reproche sans cesse aux gens de TC dՐtre mcanistes, de poser la rvolution comme inluctable, a nous agace car manifestement la critique dobjectivisme passe compltement ct de ce que nous disons. (ibid., p. 120).
Vous avez parfaitement raison, sauf que ce nest pas un problme lexical ou de lecture, ni mme une question de contenu ; plus gnralement ce nest pas un problme de comprhension mais de partage . Quoi quil en soit, il nempche quavec ce numro 13 (fvrier 1997), lExistence du corpus tcien sort du sommeil thorique qui a t le sien partir de la seconde moiti des annes quatre-vingt (prcisment aprs la Synthse du numro 6 de mai 1985), pour se rveiller, en gros, aprs 1995.
7. De ce point de vue, ce nest pas un hasard si cest dans ce mme numro 14 (celui dans lequel vous critiquez le fait de votre polmique directe avec Bihr) que vous affirmez qu il faut considrer pratiquement la thorie (p. 9 ; je souligne). Vous ne dveloppez pas ce thme pour luimme thoriquement, vous faites mieux : vous dites comment cest quand on considre pratiquement la thorie en mettant directement cette affirmation avec votre propre espace dexistence publique, l o nous pouvons tre cout et o nous cherchons lՐtre (p. 8 ; je souligne) ici vous dfinissez cet espace comme tant la marge du dmocratisme radical dans son instabilit. Ce qui suit nest pas moins intressant. Vous dites en effet que sil arrive que vous soyez couts, voire mme dans le cas o vos critiques, [vos] positions [peuvent] tre activement comprises, intgres cela nest pas indiffrent sa [votre thorie] propre laboration (p. 9, je souligne), et surtout vous concluez en disant que dans le cas o cela advient ce ne sont pas l des victoires de notre thorie, mais simplement le cours de son existence mme (Ibid. ; je souligne).
8. Tous les lments que vous mettez en place dans ces quelques lignes dcisives la comprhension de votre pratique thorique comme cours de lExistence concrte du corpus tcien, sont dfinitoires de celleci. Il faut bien voir, sinon on ne comprend rien votre pratique thorique et on se mprend sur ses finalits et a fortiori sur le sens de votre plaidoyer pro Meeting qui se trouve alors rduit une collection de recettes disparates, lorsquelles napparaissent pas contradictoires entre elles , il faut bien voir que cet espace lExistence de votre thorie le possde de fait comme son espace naturel, au sens o jai dit plus haut que vous considrez celleci comme naturelle lՎpoque, sans quoi cette existence serait un simple mysticisme. Comme espace naturel, ce nest pas quelque chose qui prexiste et que vous chercheriez conqurir ou suborner, comme des envahisseurs ou des manipulateurs, ou plus trivialement comme des fouteurs de merde chez vos concurrents. Ce nest pas pour autant un no mans land : vos critiques, vos positions doivent pouvoir y tre activement comprises et intgres, comprhension active et intgration qui ne sont pas de lordre de ladhsion une doctrine ellemme prexistante puisquelles participent de lՎlaboration de votre propre thorie Bref, il ny a pas dun ct un espace occuper et de lautre une Existence mtaphysique ou mystique toute prte le faire. Ensuite, que cet espace puisse tre public nest que circonstanciel (je reviens aprs sur ce qui le constitue).
9. Mais ce qui est mon sens le plus significatif est indubitablement le fait que ce qui reproduit cette Existence, cestЈdire le fait que vous puissiez tre activement compris, ne soit pas peru comme une victoire de votre thorie. Au premier abord cela peut paratre surprenant. En fait cest parfaitement logique dans la mesure o sil sagt simplement dune victoire cela voudrait simplement dire que vous avez raison contre vos contradicteurs, ce qui maintiendrait un rapport dextriorit entre vous et ferait de votre thorie une thorie singulire lՎgal des autres, alors que cest un rapport dExistence, lexistence mme de votre thorie comme pratique qui ne peut connatre la victoire (comme dailleurs la dfaite) sans se nier comme telle.
Ceci explique le caractre ravageur des critiques que vous exercez qui
ne laissent rien dbout aprs votre passage. Cela est vrai de la critique que
vous avez pu faire de la Matrielle,
comme de celle de Trop loin dans
votre numro 19, par exemple. Vous allez me dire que ce nest pas le cas de
votre rponse aux critiques qui vous sont adresses par Aufheben. Cest exact, toutefois la prise en compte de
cellesci ne vous empche pas de botter en touche la fin du match (comme je
le fait remarquer dans lintroduction la rdition de la partie de votre
change qui concerne la priodisation du mode de production capitaliste), pour
revenir ende des critiques qui vous
sont adresses. Finalement, admettons que jaccepte toutes vos critiques sur lutilisation que nous faisons du
concept de subsomption relle et que nous abandonnions, pour la priode qui
sest ouverte, lappellation de seconde phase de la subsomption relle, cela
changerait beaucoup de choses, mais pas lessentiel au contenu mme de ce que
nous disons : il y a eu restructuration du rapport dexploitation, de la
contradiction entre le proltariat et le capital. Cest l lessentiel, cest
de cela dont il faut discuter (p. 12 dans mon dition). Encore une fois, il
serait inadquat de voir un dfaut dans cette faon de faire, dans la mesure o
cet ende vers lequel vous vous retournez nest rien dautre que lExistence
de votre corpus thorique pour
laquelle la critique nexiste pas plus que la victoire et pour des motifs
identiques. Donc, quand je dis n existe pas , a ne veut pas dire que vous
la refusez, mais que, un moment ou un autre, selon la nature des critiques
qui vous sont faites, vous ne pouvez pas faire autrement que revenir sur le
plan de votre Existence. Il en va de mme lorsque Roland conclut ainsi son
texte sur linluctabilit de la rvolution : La rvolution et le
communisme sont inluctables en tant que lutte de classes, donc en tant
quactivits, pratiques. La question du possibiliste sur la ncessit de son
action na aucun sens ; mais la question de linluctabilit sur la
garantie de son action, sur ce qui la contraint, non plus. Cest la lutte des
classes qui est inluctable et cela nous suffit. (n. 17, p. 131 ; je souligne). lՎpoque
javais not en marge : TC se retranche dans son bastion , ce nՎtait pas totalement faux, mais cՎtait encore
faire l une critique de lextrieur
sans chercher comprendre la cohrence interne du propos. Ce que jessaye de faire ici, audel de
tel ou tel paradoxe apparent afin de ne pas en faire des contradictions.
10. partir de l, il faut reformuler ma seconde question initiale : le collectif dՎdition de la revue Meeting, peutil tre le lieu dune pratique thorique adquate au cours actuel du capital et dans quelle mesure ? , en celleci : Dans quelle mesure le collectif Meeting peutil tre votre espace dexistence publique l o vous pouvez tre couts et o vous cherchez lՐtre ? Telle est la question, et telle est la cause principale de votre insatisfaction lՎgard de Meeting, selon moi. Une situation dautant plus insupportable que vous nՐtes pas en mesure dՎnoncer une rponse claire par rapport ce que vous posez comme un largissement possible de votre espace dexistence publique, et vous nՐtes pas en mesure de la faire parce que si Meeting devenait effectivement lespace dexistence de Thorie communiste, il risquerait tout aussi bien de nՐtre terme plus que cela, et donc il ne serait plus Meeting, donc vous perdriez votre espace dexistence, etc. Il nempche que vous tes en mme temps contraint de le dfendre mordicus
11. A contrario, Franois se trompe lorsquil pingle B. Lyon sur sa promotion de la rencontre en y voyant le fait de fondamentalistes rests longtemps trs isols et dsireux de ne pas perdre les quelques contacts quils ont dvelopps avec des camarades mieux insrs dans le milieu que ces derniers, de ne pas perdre la stimulation permanente dune thorie qui tient la route ; et il se trompe encore lorsquil conclut : la tentation est donc trs forte et B. Lyon y succombe de chercher dans une fantasmatique ouverture tout ce qui rsiste la solution la crise continu du collectif (Meeting n. 2, Un Meeting Permanent ! Sans Blague ?, 20 ; je souligne).
Cette interprtation est dautant plus intressante quelle est celle de quelquun qui, comme vous lattendez, a intgr votre thorie : Dans cette prsentation, je me servirai des concepts labors par la revue Thorie communiste. (Rupture, p.7) Mais peuton se servir de vos concepts de manire fonctionnelle sans tomber dans le travers qui consiste affirmer des dogmes sans les penser , comme le dit le message que jai cit plus haut ? Et dans ce cas sagitil dune intgration correcte ? Nestce pas une simple imitation ? Malgr son adhsion revendique votre thorie, Franois se trompe compltement sur le sens de votre pratique thorique en ne comprenant pas comment celleci est un fait de lExistence de votre corpus. Dabord il se trompe en hypostasiant votre espace dexistence comme milieu de tout ce qui rsiste ; non pas parce que celuici nexiste pas mais parce que ce nest pas comme cela que celuici existe pour vous (pour les raisons que lon vient de voir). En consquence il se trompe galement en voyant votre rapport cet espace comme une ouverture quelque chose dautre que vousmme (sinon il ny a pas douverture qui tienne) ; pour vous y insrer (on ne sinsre pas soimme) ; pour ne pas perdre les contacts que vous avez (on nest pas n contact avec soimme) ; pour ne pas perdre la stimulation (on nest pas un objet de stimulation pour soimme), etc. Et au final il attribue tout cela une thorie qui tient la route , comme si la route existait par devers vous. Il ne voit dans la tension qui caractrise votre lExistence de votre corpus thorique, comme pratique thorique, quune vaine tentative pour sortir de l isolement ce qui, en rester l, est une contradiction dans les termes : une Existence ne connat pas lisolement , de la mme manire quil ne voit dans la promotion de la rencontre que de la retape en direction de tout ce qui rsiste (jy reviens). Franois voit de la sparation partout o, chez vous, il y a de lidentit. Franois confond une thorie qui se conoit comme naturelle son poque avec la vraie doctrine ce qui est cohrent avec sa phnomnologie de ladvenir de Thorie communiste.
1. En critiquant votre formule prsentant Thorie communiste comme une thorie qui fait ses preuves , comme sil
sagissait de promouvoir lefficacit de ses applications (le fait que vous
ayez raisons contre les autres) jai commis la mme erreur dans la mesure o
pour que cela ait un sens et ne soit pas une simple autosatisfaction, il faut
comprendre : une thorie qui fait la preuve de son Existence comme thorie
naturelle lՎpoque, ce qui est radicalement diffrent.
Le rsultat de tout cela est que Franois ne peut pas comprendre votre prsence dans Meeting, alors mme quil prtend rejeter le projet sur la base de votre thorie, en ne trouvant pas le changement thoricien dans le cours des luttes (Peuton vraiment parler de courant communisateur ?, Meeting n. 1, p. 6, 7) qui signifierait pour lui lexistence du courant communisateur cest ce qui distingue son rejet de Meeting de celui de Trop loin qui ne sy apparente que formellement dans la mesure o Dauv et Nsic ont manifestement mieux compris Thorie communiste que lui. Ce que Franois na pas compris cest tout simplement votre thorie de la rvolution.
2. Estce dire que je prtends tre ici en train de comprendre
votre corpus thorique mieux que ne
le fait Franois ? Certainement pas ! Le thoricien docte audessus
de la mle essaye simplement de comprendre activement (ce qui change tout) et dintgrer votre thorie comme pratique thorique, cestЈdire
de se lapproprier en essayant de la concevoir. Certes cela se passe sur la base dhypothses qui me
sont propres, mais sans cela sagiraitil dautre chose que dune
imitation ? Il ne sagirait en tout cas pas dune conception. En ce sens
janalyse votre thorie comme jai analys les luttes de maijuin 2003 aprs la
reprise, ou que janalyserais la grve des marins de la SNCM, cestЈdire non
pas comme un discours sur la ralit mais comme partie intgrante de celleci.
Et ce nest pas de la mtathorie .
Cest le moins que lon puisse faire (si on la prend au srieux)
lՎgard dune thorie qui permet dՎcrire que la thorie, en tant que
telle, fait partie intgrante , ncessaire et active de ce cycle (n 14, p 9 cette thse conclue le passage sur vos
nonvictoires. Je souligne), au mme titre, donc, que les luttes qui en participent.
Ce quil faut dcrypter ici cest quelle est LA thorie dont il sagit, de la
vtre propre ou des autres thories singulires,ou encore de la thorie en
gnral . Ma rponse cest quil sagit
de la vtre. Dabord parce que le
contexte ne permet pas de comprendre autre chose lorsque vous parlez de votre
espace dexistence publique. Ensuite parce que vous tes les seuls concevoir
ainsi la thorie (comme dtermination de la contradiction du proltariat au
capital, audel de la thorie au sens restreint jy reviens dans la
seconde partie de cette Lettre), ce
qui exclut toutes les autres, sauf projeter sur elles votre propre conception
de la chose, ce qui revient au mme. Et cest encore plus vrai si on se rfre
la thorie en gnral . Ce qui autorise reformuler votre propos
en : la thorie de Thorie
communiste, en tant que telle, fait partie intgrante, ncessaire et active
de ce cycle . Ce qui revint dire
que votre thorie est la thorie naturelle lՎpoque, et qui mautorise la traiter comme telle au mme titre que le fait de dverser des fts de
produits chimiques dans une rivire, cestЈdire sans faire de mtathorie
. Et si je pousse au bout mon hypothse considrer cette analyse de votre
thorie comme faisant partie intgrante de celleci.
12. Contrairement Franois, Patlotch a pour lui davoir suivi les choses de lintrieur, ce qui lui donne sans doute un avantage qui lui permet dՐtre plus proche de votre vrit pratique lorsquil crit dans sa rponse Pour Meeting : dans votre lettre et vos ouvertures pour sortir de la crise de Meeting, le fond et la forme () sont admirablement tenus, et pour ainsi dire, de votre point de vue, insparables. Je perois cette cohrence par la sortie, avec Meeting, de la clandestinit de Thorie communiste, spcialise en thorie qui rencontre peu ou prou dautres formulations thoriques (). Tout est sa place, y compris la sincre volont dՎlargissement et de diversification, qui deviennent incontournables, sauf crever (). Je sens bien la ncessit de faire cho vos proccupations, parce que en dfinitive, je comprends bien que vous navez pas le choix. (e.mail du 7 octobre 2005 ; je souligne).
Tout y est. Sortir de la clandestinit ce nest pas rompre un isolement , de mme que sortir dune marginalit sur la base dun rapport thorique limmdiatet des luttes, comme nous le disions en 1983 (n. 5, p. 6 et 7), parce que cette marginalit est construite par et dans ce rapport thorique comme un Existence. Quaujourdhui la donne ait chang dans la mesure o vous vous reconnaissez dans certains moments immdiats de la lutte de classes : ceux que vous proposez Meeting de guetter , de formaliser et mme de promouvoir ( 12), ne bouleverse rien sur le fond de lExistence de votre corpus. Tout y est, donc, et surtout le fait essentiel de lExistence de votre thorie qui simpose autant vousmmes quaux autres comme dtermination de votre pratique thorique : sauf crever, vous navez pas le choix , pour le dire comme Patlotch ; ce qui dit bien ce que a veut dire en posant simultanment votre situation actuelle comme insupportable et invitable. Mais il ne dit pas que cela.
13. Patlotch pose un bmol en crivant : le problme est quil nen va pas forcment de mme [en ce qui concerne le caractre insparable de la forme et du fond] pour ceux que vous appelez de vos vux participer . Autrement dit, il nest pas vident que tout le monde possde votre cohrence et encore moins la conception pratique de la thorie qui est la vtre. Pour avancer sur cette question de la rception de votre pratique thorique (et donc de lavenir de lExistence de votre thorie) on a la chance davoir dj une manire de rponse qui provient de deux participants au Cercle de discussion de Paris (en loccurrence les deux auteurs de la Lettre Meeting publi dans le n. 2, Maxime et le Niveleur) que vous considrez comme de possibles participants au collectif : Autre raison, enfin, du papier de RS [il sagit du texte Unification du proltariat et communisation] : le fait quil ait t visiblement rdig lattention spciale de lultragauche. On dirait, nous le sentons en tout cas comme a, que lanimateur de TC renifle aujourdhui, tort ou raison, une brise de changement dans nos milieux, dAufheben changes en passant par Mouvement communiste et le Cercle de discussion de Paris (cit nommment). Jimagine que cest pour aider ce mouvement dont il pressent la timidit et la fragilit encore grandes (de transgression de la loi de lautonomie ouvrire) que le preux Roland se glisse la porte des foyers de discussion de lultragauche. Cest de bonne guerre.
Il est intressant rapprocher ce texte dune autre raction (antrieure) galement issue du Cercle de discussion de Paris : Si on peut mesurer la vitalit dun courant politique rvolutionnaire au volume de la littrature quil diffuse, il est alors juste de reconnatre que la famille de lultragauche au sens large de Gauche communiste, englobant donc les traditions germano-nerlandaises et italiennes est aujourdhui battue de trs loin par une mouvance de groupes qui saffichent volontiers sur la scne avec le nom gnrique de communisateurs. Cet ensemble est, en France, compos de cnacles tels Thorie communiste, Hic salta, Trop loin (Karl Nesik) et La Matrielle, auxquels il est lgitime dadjoindre Gilles Dauv, Les Temps critiques (J. Wajnsztejn et J. Guigou) ainsi que Krisis. Ces groupes inondent le Web et les prsentoirs de la librairie Parallles ( Paris) de leurs textes. Parmi ces groupes-revues se dessinent des tendances constituer un rseau de discussion. Lentreprise actuelle de Meeting en offre une illustration. () (Ces commentaires sont de Maxime). Voil ce qui lui est rpondu (je nai pas gard trace de lauteur) : Il apparat que cette hypergauche capte beaucoup la rflexion des jeunes lments en qute de thorie rvolutionnaire aujourdhui. Les propositions des communisateurs leur semblent sans doute plus attractives que celles de lultragauche, surtout celles venant de composantes fossilises comme le CCI, Battaglia comunista, Programme communiste voire le FOR et le GCI. Jajouterai un autre niveau ICO, RGF, PI et le CdP. : il est certain quune initiative comme Meeting rencontre plus dՎchos que notre rseau, dont le dynamisme et lesprit dentreprise ne sont visiblement pas la caractristique (malgr la prsence parmi nous dun reprsentant communisateur en lespce de JW [Temps critiques]). () Toujours est-il que la situation sociale que nous fait vivre le capitalisme poussera toujours plus de jeunes dans une prise de parti politique oppositionnel. Au fur et mesure que les tensions sociales grandiront le radicalisme des ides s'accentuera. C'est pourquoi je suis d'accord avec toi pour estimer ncessaire d'intervenir dans ces cercles car il existe sans doute en leur sein comme partout une expression issue de la classe des proltaires entremle des ides style middle class.
14. Au vu de ces diffrentes ractions je crois que Patlotch na pas tort quand il craint que votre cohrence de la forme et du fond, de votre pratique thorique, donc, ne soit pas la chose la mieux partage du monde. En effet, si Maxime et le Niveleur, dans le premier passage cit, peroivent correctement votre dmarche en direction de lultragauche sur la base de sa fragilit, de sa timidit lՎgard de la loi de lautonomie ouvrire et de la brise de changement qui souffle sur elle, ce nest que formellement, cestЈdire comme une dmarche intentionnelle, destine aider un processus existant par ailleurs saccomplir. Et cest ainsi quils peuvent y voir une manire d entrisme lorsque Roland se glisse la porte des foyers de discussion de lultragauche avec la rponse du berger la bergre, sous la plume de linterlocuteur de Maxime qui estime ncessaire dintervenir dans ces cercles , mais cela non pour accompagner un processus existant mais afin de contrer un racket concurrent (qualifi d hypergauche ) qui risque de capter la rflexion des jeunes lments en qute de thorie rvolutionnaire aujourdhui en les faisant se perdre dans des ides de style middle class . Entrisme visЈvis de lultragauche, donc, dun ct, et racket sur les jeunes en mal de thorie radicale, de lautre, cestЈ-dire, dans les deux cas intervention extrieure. Que lun soit peru de manire plutt positive, et lautre rejet (ce qui est logique entre rackets concurrents), ne change rien la donne ; et le fait de conclure par un cest de bonne guerre , comme le font Maxime et le Niveleur est significatif de ce rapport de proximit (dont dextriorit). De mme lorsque tous saccordent sur le dynamisme et la vitalit des communisateurs comme une initiative oppose au peu desprit dentreprise du Cercle de discussion.
Or, par dfinition, des dimensions telles que l
initiative ou l esprit dentreprise , ou encore lintervention en ce
quelle suppose dextriorit dellemme son objet, sont totalement
trangres lExistence de votre corpus
thorique (si cՎtait le cas cela reviendrait une autodestuction). Lorsque B.
Lyon crit : Le courant communisateur
est-il/sera-t-il donc un sujet socialement actif ? Peut-tre que oui, au
sens restrictif o les critiques anticitoyennistes deviennent senses, par un
dbouch
historique intgrant le cours du cycle actuel
(Le courant communisateur sujet politique ?, Meeting n. 2,
2), cest, prcisment, le cours du cycle actuel qui implique la chose et
pas une dmarche intentionnelle de votre part. Lorsque vous dfinissez votre
espace dexistence publique , comme on la vu plus haut, cest
simultanment ce qui fait linstabilit du dmocratisme radical, cestЈdire
lincapacit pour le proltariat de formaliser la moindre existence autonome
face au capital ce qui est une autre manire de parler du cycle de lutte
actuel : ce qui dfinit son instabilit () dfinit simultanment
notre espace dexistence publique crivezvous, ce qui revient dire quune
identique instabilit, inscrite donc dans le cours actuel des luttes, au point
que de plus en plus les rcits [de luttes] des tenants de lautonomie ne sont
plus quun aveu de ses impasses ( 15), dfinit simultanment votre pratique
thorique comme Existence du corpus
tcien. Et cest en cela que rside votre admirable tenue de la forme et
du fond, comme dit Patlotch, dans la saisie dun processus existant qui vous
saisit vousmme simultanment, et non dans une intentionnalit abstraite.
15. Cette mprise sur la
nature de votre pratique thorique, ou sa rduction une pure intentionnalit,
explique que chez le Niveleur et chez Maxime (mais pas, dans une certaine
mesure, chez son interlocuteur qui oppose les fossiles de lultragauche
aux jeunes ), le champ thorique quest cens recouvrir le courant communisateur
soit radicalement diffrent du vtre quant sa nature. Il est en effet avant
tout institutionnel en ce sens quil se situe sur le plan des groupes
et des revues : ils citent Aufheben,
changes et Mouvement communiste, auxquels ils rajoutent dans leur Lettre Meeting : Trop loin, Hic Salta et Bruno Astarian, et aussi Temps critiques et Krisis. Des
tenants de lautonomie, donc, aux ngateurs de la thorie du proltariat, en
passant par les ngationnistes de la valeurtravail a fait un sacr
ventail ! Certes, dans le numro 16 de Thorie communiste vous procdiez de la mme manire, toute aussi gnreuse,
lorsquil sagissait de prsenter le courant thorique communisateur en
appelant Hic Salta, Aufheben, le G. Dauv de Quand meurent les insurrections, Franois avec Catastrophe et Rvolution, le groupe espagnol Etcetera, changes, Le
lundi au soleil, Perspectives
Internationalistes et Mouvement
communiste ; avec quelques
restrictions, toutefois, sur quelquesuns dentre eux (op. cit., Mai 2000, p.
10). Au dtail prs des groupes retenus, vous adoptiez donc cette poque le
mme point de vue institutionnel que Maxime et le Niveleur. Mais vous parliez
alors du courant thorique
communisateur Toute diffrente est lapproche que vous prsentez aujourdhui
dans Pour Meeting o vous vous proposez
non plus de vous adresser des groupes/revues existants mais des gens simples et srieux ( 2).
Cette formule est un peu bizarre, mais je suppose quelle sexplique par ce que
vous dites plus bas propos des quarante quartiers de noblesse thorique
( 17), des gens qui sont capables de sexprimer sans requrir la mobilisation
de tout un arsenal conceptuel ( 14) et de dire les choses brivement et
comme un compterendu objectif de lutte ( 12), sinon cela revient dire que
ces gens sont des nessi.
Si tel nest pas le cas cela ne va pourtant pas sans
problmes, par exemple lorsque vous reprenez votre compte dans Pour
Meeting un passage de
Patlotch sur la lutte des classes sans phrases et que vous notez : nous
laissons de ct le sans phrase rien ne se donne jamais en clair : si rien ne se donne jamais en
clair , cela signifie que pour saisir ce donn il faut requrir tout un
arsenal conceptuel ce que vous venez de mettre de ct. Lorsque Roland crit
dans LՎcart, par
exemple, cette formule simple : On ne peut plus rien faire en tant
quouvrier en le demeurant ( 5), ou simplement lorsquil emploie des mots du langage
courant comme cart ou annonce ou insatisfaction ( lՎgard de
lautoorganisation), vous nallez pas me dire que ces mots sont l comme a
, en toute simplicit et quils ne sont pas le produit de toute une mcanique conceptuelle,
commencer par le concept de programmatisme et tout ce qui sen suit,
jusquau proltariat qui extranise son existence de classe comme une
contrainte existant dans le capital face lui (LՎcart, 11). En outre, en gnral, cest
lorsque lon emploie de tels mots que le bagage conceptuel quils embarquent
est le plus lourd (Hegel est un matre du genre).
Comme vous lavez crit Denis : Si tout tait aussi
simple () avec une thorie qui ne peut en aucun cas se trouver extrieure et
qui condense lexprience relle des proltaires rels , nous pourrions
envisager demain de faire un quotidien et aprsdemain la rvolution. (Thorie
communiste n. 7, septembre
2001, p. 139). Je suis daccord avec vous, mais vous, lՐtes vous encore avec
vousmme sur ce point ? Ou bien concevezvous le Meeting de votre plaidoyer comme ce quotidien de
demain et la rvolution pour aprs demain ?
Dans A fair amount of killing, un texte exotrique de
Thorie communiste (la
Matrielle n. 6, avril
2003) jai critiqu ce que jappelais alors votre double langage
(exotrique et sotrique), ce qui se rfre la mme problmatique. Cette
critique nՎtait pas fausse mais, aveugle par ma croisade antispculative de
lՎpoque, elle demeure toutefois formelle (jy vois une tentative pour donner
votre systmaticit spculative une physionomie toute fait raisonnable [ 2]). Ce nest
pas ici votre systmaticit spculative qui est en cause (elle existe bel et
bien) mais le rle que je lui fais jouer dans votre corpus thorique. Je critiquais galement les
modalits thoriques de votre collaboration avec Alcuni fautori delle
comunizzazione et le satisfecit que vous vous octroyiez pour loccasion,
malgr des divergences sur le fond (en lespce sur lanalyse du capital, ce
qui nest pas un dtail) et jy voyais une pratique de lactivit thorique
qui transforme celleci en un activisme thorique comme une chappatoire dont a besoin,
un moment o un autre, tout systmaticit spculative pour dpasser ses
limites et je concluais : cest alors que lon adopte un langage
exotrique et que lon met momentanment de ct ses fondements thoriques (
5). Au total, on retrouve dans ce texte tout ce que je reproche plus haut
Franois et Maxime/le Niveleur au nom de lidentit de votre pratique thorique et de
lExistence de votre corpus. Ici je fais de votre pratique thorique (les modalits de votre
travail avec Alcuni fautori) un dfaut
de votre systmaticit spculative dans ses limites, comme si celleci tait
extrieure cellel et une extriorit qui cre une contradiction de surcrot , laquelle vous oblige
sortir de vous mme, comme une alination, dans une pratique perue comme une
chappatoire. Tout est donc ici cul par-dessus tte et a interdit de comprendre votre
pratique thorique, comme Existence, dans sa cohrence. - On va voir tout de
suite comment a contrario
cette dimension exotrique de votre discours, loin de mettre entre parenthses vos
fondamentaux les tablit comme une fonction de lExistence de votre corpus thorique comme pratique thorique :
cette dimension ce ne sont pas des mots mais un rapport dans votre espace dexistence (publique).
Mais cela ne se connat quՈ lusage : cՎtait en avril
2003, jai cltur la premire partie de la Matrielle dans le mme temps, le numro 1 de Meeting est sorti en septembre 2004 et puis il y a
eu la suite, moyennant les grves de maijuin 2003 qui mont permis de
recentrer relativement mon propos initial et lassemble rdactionnelle du
numro 2
Pour revenir la question de dpart sur les gens
simples et srieux , cest une fois de plus dans votre Existence quil
faut chercher la rponse si lon veut y voir une cohrence et non une contradiction.
La question est :
ces gens simples et srieux , qui sontils et o sont-ils ? Comment
percevezvous ceux qui sont vos yeux des interlocuteurs potentiels de Meeting, cestЈdire, rappelonsle, des gens face auxquels vous
rencontrez des difficults insupportables lorsquil sagit de parler de la
revue ? Cest quand mme a qui motive avant tout votre plaidoyer pro
Meeting. Audel : dans quelle
mesure, dans ces conditions, peuventils participer de votre pratique
thorique, sans pour autant tre manipuls ou victime dun racket ? Mais
aussi, corollairement, sans que Thorie communiste y perde son Existence ou y dvoie sa pratique
thorique ?
16. lՎgal de Maxime et
le Niveleur, vous citez un certain nombre de groupes et/ou revues tels que Aufheben, RiffRaff, Oiseau
tempte, TPTG (Ta Pedia Tis Galavias/ Les enfants de la galerie), un petit groupe Berlin, Kolinko et le Cercle de discussion ( 2). part Aufheben, par rapport votre liste prcdente, il ne reste plus
personne : exit changes, exit Etcetera, Mouvement communiste, etc. Ce quoi vous vous intressiez alors dans ces groupes cՎtait
la faon dont ils posaient thoriquement la question de la rvolution comme
communisation, audel de laffirmation dune priode de transition, mme si
vous posiez quelques bmols chez les uns et les autres. Aujourdhui, dans Pour
Meeting, vous allez audel de ce point de
vue. Chez Aufheben vous retenez en
effet les individus qui ont quitt le groupe, chez Oiseau tempte, ce sont ceux qui ne se satisfont plus pleinement des
radotages conseillistes de Reeves , chez Kolinko ceux qui sinterrogent sur la rptition de loprasme
, certains lments de RiffRaff, etc.
( 2). Plus loin vous les dsignez comme des personnes participant par
ailleurs des groupes ou revues [qui] simpliqueront dans le cheminement de Meeting a contrario du
groupe des parisiens participant Meeting qui ne se donne pas une existence autre et se
considre comme tant la section parisienne de Meeting ( 7).
17. Plusieurs traits
communs caractrisent le profil de qui est susceptible selon vous de
cheminer avec Meeting.
En premier lieu il y a,
comme on vient de le voir, sa faon dՐtre thorique, simple et srieuse
comme le lai interprte. Mais cela ne va pas sans problmes du point de vue
de la production de lobjectivit suppose de leurs propos.
En second lieu, il y a le
fait quil est (et non pas il doit tre, ce qui supposerait une intervention
extrieure) plus ou moins en rupture avec son milieu dorigine, ou plus
gnralement insatisfait de celuici ce qui peut faire effectivement
rfrence aux jeunes en recherche de thorie rvolutionnaire sur lesquels
linterlocuteur de Maxime craint que les communisateurs exercent un racket
concurrent au sien, ce en quoi il se trompe bien sr mais par rapport
Maxime et au Niveleur, il ne se trompe pas sur le fait de la chose.
En troisime lieu, enfin,
ils doivent surtout tres capables davoir une existence autre par rapport
Meeting afin de simpliquer sans pour
autant tomber dans la drive sectioniste . Ceci est important dans la mesure
o cette drive est, en interne, le corollaire de linsatisfaction que vous
prouvez lextrieur, face ces personnes prcisment, et qui motive votre
intervention dans le dbat.
Ainsi dlimit, ce profil idal , en rester l, ne laisse pas dՐtre problmatique : que signifie cette existence autre parce quelle participe par ailleurs des groupes ou revues , sur la base dune implication dans le cheminement de Meeting , parce quelle ne satisfait pas de son existence dans ces groupes sans pour autant faire de Meeting un nouveau groupe ? Vous maccorderez que tout cela est un peu compliqu. Et a le devient encore plus si on ajoute ces deux traits le premier qui revient peu ou prou mettre entre parenthses son bagage thorique.
Vous crivez : Loin de nous lide, on sen doutera, de supprimer
les textes thoriques, les changes avec ceux dont nous parlions au dbut
seront durement thoriques ( 16) ce qui suppose quon ne laisse pas son
bagage thorique la porte en arrivant chez Meeting. Pourtant, le fait que vous ressentiez le besoin de
donner cette prcision cest la seule fois dans votre texte o vous parler de
la thorie en tant que telle alors que vous ne cessez pas d en faire et
la faon dont vous la donnez en passant , comme une vidence, sonne faux. On
dirait que vous cherchez vous ddouaner afin que lon ne vous suspecte pas de
vouloir faire de Meeting une
revue des luttes qui met la thorie entre parenthses ou qui lui accorde une
place part, dans une rubrique parmi dautres, comme le fait changes (alors que lon sait bien que mme pour eux, cela na
pas de sens). Votre rfrence ce bulletin, mme formellement ( 12),
nest pas l pour clairer votre propos : comme si le fait de
guetter , de formaliser . et de promouvoir ( 12) les pratiques
qui creusent un cart dans les luttes en lieu et place des manifestations
de l autonomie suffisait faire la diffrence entre ce type de publications
et Meeting. En outre, sen tenir
ces pratiques, elles peuvent tout aussi bien tre formalises dans une
thorie de lautonomie, et promues comme telle, ce quchanges dailleurs ne fait pas mme si elle en fait sont
critre dՎvaluation des luttes, mais ce que le Centro di ricerca per
lazione comunista, par exemple, ne
manque pas de faire comme pratique militante, tout en crivant : Le
proltariat, en tant quil est lintrieur du rapport capitaliste, oscille
entre la ncessit de sa propre reproduction sociale et la lutte contre
cette ncessit. Dans cette dynamique
interne la lutte entre les classes, il ne peut y avoir sparation des deux termes, sinon la contradiction qui est la
base de la polarisation sociale disparat (Lotta sporca) et en voyant dans cette oscillation le cours de
lautonomie de la classe contre sa division, entre travailleurs fixes et
travailleurs prcaires, par exemple (alors quՃchanges le voit contre la
rpression et lencadrement syndical et/ou patronal de lautonomie). Par
ailleurs, comme je lai dj dit, une thorie de l aire de la communisation
peut tout aussi bien intgrer votre thorie de lՎcart (je reviendrai sur
le statut de celleci dans la seconde partie de cette Lettre). Encore une fois, ce qui fait la diffrence ici, ce
nest pas le fait de la chose mais lanalyse que vous en donnez, cestЈdire
votre thorie de lՎcart. Ce qui est cohrent et lgitime de votre point de
vue.
Cependant, quelque niveau de lecture de Thorie communiste que lon se place, cela peut apparatre contradictoire
dans la mesure o cette concession sur le mode de lՎvidence de la prsence de
la thorie, ou mieux du thorique , dans Meeting revient tablir une sparation entre la thorie au sens restreint , comme vous
dites, cestЈdire lactivit intellectuelle dabstraction (parce que la
thorie comme dtermination de lactivit du proltariat est extraction de
limmdiatet), et la thorie, prcisment, comme cette dtermination dont
labstraction thorique nest quune formalisation (n. 14, dcembre 1997, p. 19
et suiv.). Et une sparation qui ruine lensemble du corpus de Thorie communiste qui repose depuis le dbut sur lidentit entre les
deux et cest cette identit, estil besoin de le prciser ?, qui fonde
celuici comme la thorie naturelle lՎpoque, cestЈdire une thorie qui ne
saurait se rduire une abstraction.
Si ce nest pas une contradiction, je vois dans cette forme de repentir
une cohrence par dfaut dans la
difficult que vous prouvez parler de votre faon de faire votre thorie dans Meeting, comme je lai dit plus haut. Pourtant, lorsque vous
crivez avant cela : Meeting est en train de devenir, quelle que soit limportance dans
la revue des textes tcistes (Christian nous excusera, mais nous incluons les
siens ldedans), la revue de l aire de la communisation ( 10), cest
bien de pratique thorique dont vous
parlez puisque ce nest pas le poids des textes tcistes dans la revue, ni, si jai bien compris, les
seuls textes de Denis, qui sont responsables de cette image de revue de
laire de la communisation . Nayez crainte je ne me formalise pas du fait
que vous massimiliez aux textes tcistes : jai t le premier reconnatre
cette proximit dans mon message du 31 aot Senonevero sur un plan
strictement thorique toutefois, ce qui confirme ce que je dit plus haut sur le
poids de la pratique thorique dans tout cela.
Vous allez me dire que ce
profil idal du participant possible Meeting que je dcris nexiste pas chez vous, que cest moi qui le
construit partir dՎlments parts dans votre texte, pour les besoins de mon
analyse ; que les trois traits que jisole, prcisment, nont pas se
retrouver simultanment dans un seul et mme individu, que cela va dpendre des
sujets abords, voire des problmatiques locales ; que Meeting sera ce que l on en fera et que votre texte ne parle
pas dune cible marketing laquelle on destine le label communisateur Tout ceci est parfaitement exact, y
compris ma construction : les lments parts que jutilise ne constituent
pas un profil idal du postulant communisateur . Ces traits que je distingue
ne le sont que formellement et en consquence il ne faut pas en rester l. Mais
il est exact galement que cela suppose que vousmmes nen restiez pas l, et
que votre on verra , il est possible de produire ce que lon veut voir
( 18) suppose, par rapport ces lments parts, une cohrence. Cette
cohrence il faut la voir, comme je lai dit plus haut, dans lExistence de
votre corpus, dans l espace
dexistence de votre pratique thorique qui la constitue ; et que cet
espace soit peupl dՎlments disparates, voire irrductibles les uns aux
autres, nenlve rien cette unit constituante, bien au contraire.
18. Vous crivez :
() ce qui devient frappant cest la multiplicit des manires de parvenir
cette remise en cause [du schma rvolutionnaire de lautonomie], cette
multiplicit cՎtait celle du projet de Meeting : la diversit actuelle daborder la communisation ou mme
seulement de parvenir formuler les questions qui y mnent ( 16). On ne
peut dire mieux ce quՎtait le projet de Meeting. Ce qui nous intresse ici cest sur quoi repose ce retour
lauthenticit du projet. Dans le mme paragraphe vous concluez :
le courant communisateur est une tendance contradictoire
(reproduction/remise en cause) lintrieur du rapport dexploitation et de sa
reproduction . Avant cela, vous avez dit : notre avis, si nous
avons un travail quotidien fournir cest celui de guetteurs, de
formalisateurs, et de promoteurs de tout ce qui, lintrieur de ce quest
devenu la limite de ce cycle (agir en tant que classe), annonce la remise en
cause par le proltariat de son existence ( 12). Voil la base de votre
retour lauthentique, cestdire vos propres fondamentaux qui, loin de
participer de la multiplicit et de la diversit que vous dites constater, et
que vous appelez de vos vux pour Meeting,
en sont les prsupposs.
Il ny a que vous pour
qui tout cela a un sens : parce que seuls vous considrez votre thorie
comme la thorie naturelle lՎpoque (dans son Existence, donc audel de sa
vrit abstraite), et parce que vous ne pouvez pas faire autrement, il ny a
que pour vous pour qui le travail de guetteur , de formalisateur ou
de promoteur que vous proposez puisse ne pas tre un travail de naturaliste
ou de militant mais une pratique thorique ; il ny a que pour vous quil
est possible de parler simplement et srieusement objectivement des
luttes sans mettre entre parenthses son arsenal conceptuel ; il ny a
que pour vous quil est possible de simpliquer dans le cheminement de Meeting en ayant une existence autre Tout ce qui peut
paratre contradictoire ou paradoxal dans votre plaidoyer pro Meeting, devient lgitime et cohrent ds que lon admet que le corpus tcien est le corpus thorique naturel lՎpoque. La
distinction entre thorie et lutte de classes na pas lieu dՐtre puisque le
courant communisateur est une tendance contradictoire dans le cycle de luttes
actuel, entre se reproduire comme classe du mode de production capitaliste et
se remettre en question comme telle dans les pratiques dՎcart dans lidentit
des deux. En ce sens, votre corpus,
dans son Existence, ou votre corpus
comme Existant, est le cours actuel du cycle de luttes tout autant que ce cycle
est cette Existence. Une fois que lon a compris cela (ce que ne fait pas
Franois lorsquil attend que survienne un changement thoricien dans le
cours des luttes pour quadvienne le courant communisateur ), la
question de la diffrence entre lapproche institutionnelle de ce courant
par Maxime et le Niveleur, ainsi celle que vous proposez dans le n. 16 de Thorie
communiste, et celle de Pour Meeting qui met de ct les groupes en tant que tels au profit des
individus tombe dellemme.
19. Dans votre plaidoyer pro
Meeting, lorsque vous parlez de la chose,
on ne sait jamais vraiment si cest du collectif ou de la revue
dont il sagit. Jai dit en commenant que sil sagit du fonctionnement de
celleci, la question ne se pose pas ; donc cest du collectif dont vous
parlez. Mais celuici, comme assemble rdactionnelle de la revue ne peut par
dfinition en tre spar et jai parl de confusion des genres pour expliquer
ses errements : cest vrai mais, une fois de plus, en rester l, cest
formel. Dans votre texte, dun ct vous faites des propositions pour retrouver
ce que Meeting (la revue) aurait
d toujours tres afin de la rendre plus adquate sa destination
initiale : Fini la belle revue annuelle avec couverture glace ( 12),
plus de nerf dans la priodicit ( 14), etc. et dun autre ct vous
faites des propositions cibles pour largir la participation Meeting mais on ne sait toujours pas quel niveau vous situez
cette participation car les deux volets de votre projet de rforme ne sont pas
articuls explicitement.
Vous allez me dire que je
suis trop analytique , et quune nouvelle fois je vois des sparations
de partout et surtout l o il ny en a pas, au dtriment dune vision
synthtique , et une nouvelle fois je rponds que cest vrai. Cest vrai
ceci prs que cette synthse, ou cette articulation entre les deux volets de votre
plan de rforme, nexiste immdiatement
que pour vous, cestЈdire
implicitement, sauf essayer de concevoir thoriquement cette synthse comme
je le fais ici mais je suis le seul tenter cela ( lexception de Patlotch,
comme on la vu plus haut, mais, il ne va pas jusquaux ultimes consquences de
ses prmisses) ce qui revient dire que pour le reste lindtermin
demeure la rgle susceptible dadmettre
tout et son contraire sur un plan. Mais cette conception, cestЈdire la synthse
comme pratique thorique immanente lExistence de votre corpus en tant quil se pose comme thorie naturelle lՎpoque
ou, dit autrement, comme identit de
lactivit contradictoire du proltariat et de la mise en forme abstraite de
cette activit, ou encore unit de la lutte de classes et de la thorie etc.,
cette conception aboutit reconnatre que simpliquer dans le cheminement de Meeting, comme vous dites, a revient cheminer avec vous dans Meeting et, in fine,
participer de lExistence de Thorie communiste comme facteur de sa pratique thorique. Et cest de cela
dont vous avez du mal parler, cest cela qui vous met dans la situation
insupportable que vous dnoncez, insupportable parce que a ne se dit pas, non parce que cest un secret inavouable, parce quil
cache une manipulation, un racket, de la retape en direction des jeunes et
des insatisfaits de lultragauche etc., mais parce que cela simpose tout
autant vous que vous le faites partager aux autres, parce que votre thorie
et la thorie naturelle lՎpoque.
De faon gnrale, vous
apprciez gure que les choses auxquelles vous participez soient formalises de trop, linformel
du on verra , on verra ce que la pratique, ou simplement lusage de la chose
donnera, vous convient apparemment mieux dans la mesure o il est effectivement
adquat cet espace dexistence dans lequel vous ne recherchez pas
des victoires (qui ne seraient jamais que le fait davoir eu raison sur la
base du moment abstrait de lactivit contradictoire du proltariat), et parce
que cet espace, par dfinition et sauf perdre la plasticit ncessaire pour
que vous soyez en mesure de vous y mouvoir, ne peut tre formalis. Sauf que pour voir, on a vu.
On a vu ce que ce refus
du formalisme a donn dans le cas de Meeting au travers de tout ce que nous avons fait ou pas fait sans
que cela soit dit ( 9) et cet on a
vu cest pas le coup de pied de lՉne . a ne lest pas dans la mesure o
cette promotion de linformel ne vaut pas comme un choix ou une posture de
circonstance mais parce quelle simpose vous comme le seul milieu adquat
lExistence de votre corpus
thorique ; et rien dans Pour Meeting nest l pour indiquer que cela puisse changer, ce qui est tout fait
logique . Mais sil est vrai que les mmes causes produisent toujours les
mmes effets, il est possible de prvoir dores et dj la suite, cestЈdire
un retour lidentique, peutАtre pas dans la forme de la revue dans la mesure
o a mange pas de pain , mais quant lindtermination du collectif, une
fois passs les effets de londe de choc que votre plaidoyer pro Meeting aura ventuellement gnr. Mme requalifi au travers de
votre plan de relance , un indtermin reste un indtermin.
En
conclusion de cette premire partie
20. Deux choses motivent
votre intervention dans la crise de Meeting prcipite par l affaire Patlotch . Dans lordre
dexposition de Pour Meeting il y a
dabord la situation insupportable que vous dites tre la vtre lorsquil
sagit de parler de Meeting des gens
susceptibles dy participer (dans le cadre de lindtermination collectif/revue
que lon a vu plus haut). Ensuite, cest le fait que la revue devienne lorgane
de laire de la communisation , ou pire dun parti des communisateurs et
la drive sectioniste qui peut en dcouler, avec les comportements qui vont
de pair. En consquence, vous proposez un certain nombre de mesures destines
pallier ces deux limites afin de rtablir Meeting dans son projet initial (sans toutefois articuler
explicitement ces mesures entre elles, selon moi, comme on la galement vu),
certaines de ces mesures tant de nature subjective en ce quelle concerne
votre prsence en son sein, les autres tant de nature objective en ce quelles
touchent lavenir de Meeting.
Au vu de lanalyse de votre pratique thorique qui prcde, il est clair que cest le premier motif qui dtermine le second, ce qui nous ramne ce que jai dit en dbutant sur linsatisfaction que vous prouvez face Meeting, comme ne tenant pas tant la chose ellemme quՈ la vision que vous en avez, donc vousmme. En ce sens, si comme vous le dites, Meeting correspond un besoin thorique actuel , ce besoin nest jamais que celui de votre pratique thorique, ce qui revient dire, avec toutes les difficults quil y a effectivement le dire, quau final simpliquer dans le cheminement de Meeting, telle que vous concevez la chose, a revient cheminer avec vous dans Meeting et au total participer de lExistence de Thorie communiste comme facteur de sa pratique thorique. tant bien entendu que cela ne relve pas dun choix dlibr de votre part (comme une manipulation, de la retape, etc) mais que a simpose vous du fait de votre corpus thorique comme Existant rel. Ceci ne revient pas disqualifier les propositions que vous faites pour sortir la revue de lornire, mais reconnatre que leur cohrence nappartient quՈ vous au travers des fondamentaux de votre thorie qui sont la justification de toutes ces propositions.
*
Dans la seconde partie de cette Lettre ouverte je reviendrai sur le fond de ce qui fonde Thorie Communiste comme la thorie naturelle lՎpoque et sur ce qui fait que vous ne pouvez agir diffremment du point de vue de votre pratique thorique. Pour cela, janalyserai notamment propos de la thorie, republi dans ce numro dcisif comme on la vu ( 7), quest le n. 14 de Thorie communiste de dcembre 1997. Une analyse, donc, toujours comme une lecture interne qui suppose ncessairement un moment o lon sapproprie le corpus tcien, pour autant quon le considre ainsi que vous le faites vousmme, comme partie intgrante, ncessaire et active de ce cycle , autrement dit que lon considre votre production thorique comme un lment rel de ce cycle de luttes (n. 14, p. 9 ; je souligne). Une ralit qui, en consquence, place cette lecture audel de toute mtathorie (remarque 2 au 11).
*
P.S. (27 novembre). De retour Marseille, je viens de trouver sur le
site de la revue lannonce dune prochaine runion de Meeting : Dans le cadre de la fabrication de Meeting n3, un dbat/runion aura lieu fin janvier/dbut
fvrier (). Cette runion a pour objet la discussion du texte Lauto-organisation
est le premier acte de la rvolution, la suite seffectue contre elle . Dans les termes, cette annonce confirme lessentiel
de ce que lon vient de lire du point de vue de votre pratique thorique,
cestЈ-dire lindtermination du collectif et de la runion laquelle vous
appelez, entre la fabrication du numro 3 de la revue (assemble rdactionnelle)
et le dbat autour de lun de vos textes (runion publique ). Donc une
indtermination de lactivit du collectif qui ne fait sens que du point de vue
de votre propre pratique thorique.Et ce nest pas la prcision selon
laquelle Le groupe qui fait Meeting
nest que la runion de ceux qui y participent qui contredit cette
indtermination cest le on verra dont jai parl plus haut ( 9).
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