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Le peuple franais subit toujours linfluence, on pourrait dire le charme, de sa glorieuse rvolution. Aucun peuple ne saurait, en effet, se soustraire dans un laps de temps de cent annes linfluence dun pareil vnement (.). Quoi dՎtonnant que lon compte toujours sur un changement semblable et que lon veuille aussi pour lavenir se servir, comme dun levier de lՎvolution, de la rvolution politique qui a dj fait tant de grandes choses. Cette croyance la rvolution me semble tre lie intimement avec la philosophie socialiste idaliste et optimiste du XVIIIme sicle : philosophie purement franaise, qui nest pas encore oublie en France Elle semble lie la croyance lordre naturel. On peut  semparer du monde comme un voleur pendant la nuit, car il est donn et na quՈ tre dcouvert, expos et compris.

W. Sombart, Le socialisme et le mouvement social (1898)[1]

 

 

 

Les deux textes qui suivent dveloppent un thme que jai utilis dans la prface lessais de Georges Caffentzis Incommensurable valeur ? paratre dans la Petite Bibliothque de la Matrielle.

 

 

Les vnements de maijuin 1968 :

Lexception sociale franaise

 

Contrairement ce que dit L. Joffrin en ouverture de son livre sur Mai 68 (Joffrin 1988 : 5), ce nest pas Mai 68 qui a chang la France, mais la France qui a chang le Mai 68 franais Lexception thorique franaise (de 1968 aujourdhui) est ellemme le produit de cette autre exception hexagonale quest la solution de continuit que les vnements de maijuin 1968 ont introduit dans la continuit du cour international des luttes des annes soixante et soixantedix (caractris comme on le sait par des pratiques telles que le dbordement des syndicats officiels et les grves sauvages, le sabotage ou le coulage de la production, labsentisme systmatique, labsence de revendications, etc.), Pour lessentiel, cette solution de continuit tient au fait quen France la premire crise mondiale du mode de production capitaliste comme socit depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et lՎtablissement du monde tripartite de la bipolarisation nuclaire (Joxe 2002 : 17) , est surdtermine par des caractres propres aux contradictions de la socit franaise [2] que rsume lՃtat de la Vme Rpublique. De ce point de vue, les vnements sont dabord une crise de lՃtat gaulliste [3] , et de son homologue thorzien dans le PCF et la CGT (Manceaux et Donzelot 1974) [4] Cest cette crise qui donne aux vnements leur me politique [5] comme contestation gnralise  (Zegel 1968), avec ses contrepouvoirs  et sa gauche non communiste (entendons non stalinienne) sur fond dusines dsertes par les ouvriers censs les occuper (Astarian 2003).. Une crise politique donc, et non une rvolution , ou une rvolution la franaise , comme une exception hexagonale que lon ne trouve nulle part ailleurs (sauf dans les pays de lEst, mais cest une autre histoire. [6] .

 

la surface, il y a les salaris du secteur moderne  :  Cadres industriels ou bancaires, techniciens de haut niveau, ingnieurs, ils sont de plein pied avec la croissance. Leur entreprise grandit et se modernise ; leur salaire progresse rapidement, tout comme leurs responsabilits. Ils lisent lExpress ou le Nouvel Observateur, boivent du whisky, roulent en DS ou en Renault 10, achtent crdit, partent aux sports dhiver et louent la mer (). Ils revendiquent lautonomie et la responsabilit et croient en lefficacit plus quen la hirarchie. (Joffrin 1988 : 154155). Des couches moyennes en pleine ascension, donc, isoles du pouvoir confisqu par les lites politiques et conomiques de lՃtat gaulliste et les notabilits provinciales (Crozier 1970) qui, comme le note Joffrin, seront immdiatement sduites par les vnements avant dՐtre finalement effrayes par le dsordre et linsubordination ambiants : plus dessence, plus de Nouvel Obs. et la plage sous les pavs. Mais aussi des tudiants qui contestent les mandarins en quittant lexil banlieusard o les a exils luniversit gaulliste pour investir ces haut lieux de la culture bourgeoise que sont la Sorbonne, la rue dUlm et lOdon au cur du pouvoir idologique bourgeois pour finir par sy enterrer : Ne voyez-vous pas  que notre action ne correspond pas du tout la logique du mouvement En favorisant lunit intersyndicale, nous avons enferm le mouvement dans un carcan, qui va lencontre exacte de ce que veulent les masses mobilises. Nous sommes tombs dans le pige de la politique, dans la routine de la droite et de la gauche. Rsultat : nous devons abandonner justement ceux qui ne sont pas tudiants,qui sont justement lindice que le mouvement commenait sortir de son ghetto. (Geismar face au SNESup [Joffrin 1988 : 101]).

 

Audel du mythique mouvement des occupations dont lInternationale Situationniste fait l(auto)apologie (Internationale Situationniste 1968) et mme de lՎphmre Comit interentreprise de Censier [(Astararian 2003 : 88), (Le Mouvement communiste 1972 : 219) cest dans la journe du 27 mai que l me politique des vnements se rvle le plus clairement dans le foss qui spare la matine de Billancourt au cours de laquelle les ouvriers de Renault rejettent le protocole daccord sign par le CGT et refuse de retourner dans les usines quils nont pas (ou trs peu) occupes, et la soire de Charletty qui runi le ban et larrire ban de la gauche non communiste (non stalinienne) sous le drapeau de la rvolution sociale , au cours de laquelle Barjonnet, ancien militant de la CGT pass au PSU de Rocard, proclame que la situation est rvolutionnaire.  : Tout est possible grce aux comits daction. Vous allez rentrer et discuter avec les gens, et constituer des comits daction de quartier. Il y a aujourdhui dans ce stade une flamme qui ne doit plus sՎteindre.  (Joffrin 1988 : 253). Vingt ans aprs CohnBendit conclu : Toutes ces forces rassembles qui cherchaient une issue politique, cՎtait notre seule chance. Et notre chance sappelait Mends. (Joffrin 1988 : 254).

 

Lourde affirmation de la classe proltaire dans son rejet des accords de Grenelle [7], dun ct, gesticulation et tactique politique des leaders et autres hommes providentiels de lautre ct avec, dans les coulisses du show celui qui incarnera treize ans plus tard la restructuration de la socit franaise avec les rsultats que lon sait. Pour cette raison, malgr toutes les qualits du travail de recherche dAstarian sur les grves et les occupations dusines, je ne peux partager le paradoxe quil voit entre cette lourde affirmation de la classe et son manque de dynamisme, entre la force dune grve et sa soumission des appareils qui la trahissent mme au niveau revendicatif lmentaire. (Astarian 2003 : 69) Pour que la classe ouvrire soit trahie, encore et-il fallu quil y et quelque chose trahir, or, la passivit mme de la classe indique indubitablement que ce quelque chose nՎtait quun rien, mais un rien plein de politique sans compter que ce thme de la trahison des syndicats suppose que la classe proltaire puisse tre autres chose quune classe capitaliste, cestЈdire une catgorie du capital.

 

Le retrait ouvrier est la marque de la dimension politique qui constitue ce retrait. Ce nest quՈ partir du moment o la reprise est programme par lՃtat et les syndicats, alors que la manifestation des ChampsЃlyses du 30 mai voit dfiler les momies du gaullisme, quen refusant avec acharnement la reprise du travail contre les charges policires menes avec non moins dacharnement (Astarian 2003 : 63 et suiv.), que la classe proltaire quitte son absentisme et sort de lexception franaise pour rejoindre le cour international normal des luttes de la priode qui se terminera avec les annes quatrevingt. Mais cette exception ne fait que commencer pour la thorie franaise de la rvolution qui, comme la chouette de Minerve, ne prend son vol quՈ la tombe de la nuit.

 

 

 

Le milieu dorigine de lexception thorique franaise

 

On a vu plus haut[8] comment Montaldi rsume magnifiquement en quelques lignes les deux thses thoriques essentielles internationalement partages, des annes soixante : recentrage de la classe proltaire sur la production pour ce qui est de sa lutte contre lexploitation aussi bien quen ce qui concerne sa capacit rvolutionnaire, au contraire de son ancrage politique travers ses organes et leur programme ; affirmation de son universalit dans son identit diffrencie, sur la base du pattern de l ouvrier amricain en fait de la figure ouvrire amricaine de limmdiat aprsguerre (le livre homonyme de P. Romano a t publi New York en 1947 et traduit dans les trois premiers numro de Socialisme ou Barbarie en 1949).

 

Il faut toutefois noter que le schme thorique de Montaldi na de valeur historique que pour la France et lItalie et ne vaut pour la GrandeBretagne et les tatsUnis, qui nont pas connu les partis communistes et leurs syndicats affids, que dans labsolu. Et mme en ce qui concerne la France et lItalie, le PCF et la CGT ne sont pas le PCI et la CGIL, pas plus que le De Gaulle qubcois nest latlantiste amricanophile Fanfani. Cependant lessentiel est partag qui est, comme on la vu plus haut[9] avec Tronti, les faits ouvriers dans leur crudit et leur nudit, mme si Tronti en tire une conclusion radicalement diffrente lorsquil crit : Il existe des moments daffinits lectives entre les deux protagonistes de classe de lhistoire moderne, o lun comme lautre, et chacun dans son camp, se retrouvent en tat de division interne, et doivent rsoudre au mme moment des problmes de comportements stratgiques et de restructuration de leurs organisations. Alors on voit la partie la plus avance du capital tendre la main la partie la plus avance de la classe ouvrire et, la diffrence de ce que lon serait sectairement en droit dattendre, la classe ouvrire ne repousse pas le baiser, ne refuse pas limmonde union, mais au contraire lexploite allgrement pour gagner quelque chose. (Tronti 1977 : 364) Lutte contre lexploitation et capacit rvolutionnaire dun ct, collaboration de classe et partage du gteau de lautre tel est le mlange hautement instable auquel est confronte immdiatement aprs les vnements la thorie franaise.

 

Mais il y a une autre donne thorique quil faut prendre en compte dans la mesure o si le paradigme de Montaldi sinscrit dans la continuit thorique de la gauche communiste germanohollandaise, les hritiers de celleci ne sont pas les seuls actifs dans la France de laprs soixantehuit. La gauche communiste italienne est galement prsente, incarne par la revue Invariance, dont le premier numro (Origine et fonction de la forme parti), sil est dat de janviermars 1968 a t rdig ds 1961, alors que J. Camatte tait encore membre du PCI de Bordiga et dment approuv par ce dernier.

 

Si ce dernier, comme Otto Rhule, fustige lembourgeoisement des ouvriers : bourgeois et ouvriers vivent dans le mme milieu, respirent la mme atmosphre morale, ils sont, quoi quils en aient, membres de la mme socit (Invariance 1995 : XXXIV. Je souligne) ce nest pas pour le cantonner dans les usines comme son collgue allemand qui y voit le seul moyen pour que le proltariat conserve son identit particulire : la bte cest lentreprise, ce nest pas le patron quelle a sa tte  ; et il fustige  les organisations conomiques du proltariat esclave [qui] sont de ples substituts du parti rvolutionnaire et un milieu de culture encore plus favorable que la socit civile (Camatte 1974 : 21) pour ce qui est de lembourgeoisement ouvrier Bordiga, ds 1925, critique tout la fois la bolchvisation du parti et son organisation en cellules dentreprise et avant cela la modification rformiste des syndicats prne par Gramsci et les ordinovistes : on a excessivement surestim Turin le problme du contrle, en le concevant comme une conqute directe que le proltariat, grce au nouveau type dorganisation par entreprise, peut arracher la classe industrielle, en ralisant une tape rvolutionnaire avant mme la conqute politique du pouvoir, dont le parti est lorgane spcifique [Il Soviet de mars 1920 lors des premires occupations dusines (Camatte 1974 : 206207)], au mme moment o Gino Olivetti lance ses confrres son appel selon lequel  lavenir appartient aux classes organises. (Spriano 1978 : 33). Bien sr, Bordiga et le patron de la Confindustria de lՎpoque ne parlent pas de la mme organisation, en revanche Gramsci et les ordinovistes se placent sur le mme terrain. Comme on la vu plus haut, pour Bordiga, bourgeois et proltaires appartiennent la mme socit, et il le reconnat quoi quil en soit des crachats et des invectives quil lance la face de celleci, contrairement la gauche communiste germanohollandaise qui cherche des recettes organisationnelles pour maintenir les ttes proltariennes hors de lՎlment bourgeois et contrairement Gramsci qui voit dans le proltariat un ordine nuovo , un nouvel ordre qui se superpose la socit capitaliste.

 

Par l, Bordiga anticipe le point de vue trivial de Tronti que lon a vu plus haut, mais il nen accepte pas pour autant l immonde union du proltariat et de la bourgeoisie et il ne croit pas quelle fera gagner quelque chose aux ouvriers (la dnonciation de la dmocratie sous toutes ses formes a t son leit motive permanent et celles des blocardismes et de tous les fronts unis ). Au contraire, il procde un double mouvement : dpoch politique de la classe quil laisse vaquer ses occupations conomiques alimentaires, en refusant toute tentative de rformer les syndicats, dune part, et dhypostase de la thorie : la science conomique marxiste comme programme communiste propos lhumanit par lentremise du proltariat (Camatte 2002 : 11) : la seule activit ayant une ralit, cest celle du programme ; cestЈdire sa ncessit ; pour nous le capitalisme nexiste plus, seule la socit communiste existe. (Camatte 2002 : 11)., dautre part. Tandis que lingegnere exerce son mtier darchitecte au sein du comit durbanisme charg dՎtablir le nouveau plan rgulateur de Naples mis en place par la municipalit dmocratechrtienne partir de 1962 (Ghirelli 1973 : 543).

 

Qui a dit rapport schizophrne la thorie  ? Bordiga nՎtait tout simplement pas lun de ces proltaires noexistentialistes actuels qui croient que l on nest pas dans lactivit de rsistance au capital parce que lon nest pas attaqu par le capital [10] et qui remplacent ainsi les rapports de classes par des  rapports personnels de domination (Marx).. Un tel noexistentialisme rvolutionnaire transpose dans la vie quotidienne de  chacun(e) le militantisme de parti du mouvement ouvrier. Il intervient chaque fois que lon traite de la rvolution sous le mode singulier et que lon substitue le ou les proltaires la classe proltaire.

 

Lhypostase programmatique de Bordiga, quant elle, est parfaitement cohrente mme si ce nest plus quune tentative dsespre de sauver ce qui na plus lieu dՐtre : la thorie du Proltariat dont la gauche communiste germanohollandaise a abdiqu, emptre dans le fameux rseau des conseils [qui] nՎtait quune copie ngative de la structure sociale bourgeoise et [qui] ne dpassait pas lՎconomie marchande et dentreprise. (Bordiga 1985 : 71). Contre ce gestionisme et contre la dgnrescence putschiste de l Action de mars 1921 (qui finana en partie le KAPD) qui le conclu (Authier et Dauv 2003 : 2627), Bordiga sacharne sauver lessentiel : le communisme comme rvolution.

 

On reproche souvent Bordiga de navoir jamais dout de la rvolution Russe (Thorie communiste 1997 : 4) , ou trop tardivement, son acharnement dfendre Lnine et les bolcheviks et ses injustices visЈvis du KAPD. Cest l ne pas tenir compte de la cohrence interne de son propos, alors que le raidissement de Bordiga est () profondment dtermin par le fait que cest seulement laide de la rvolution russe quil est possible de dmontrer la vracit de la thorie du proltariat. Et il est clair que beaucoup de critiques qui, dans un premier temps remirent en cause luvre des bolcheviks, allrent ensuite jusquՈ douter du rle du proltariat, de sa mission historiques. (Camatte dans Bordiga 1978 : 27). Mais il y a surtout cette trange normit que sont les preuves charge de l avocat du diable (rdiges par Bordiga luimme comme un exorcisme ?) au procs intent au proltariat sur sa capacit mobilisatrice et sa capacit d initiative rvolutionnaire autonome (Bordiga 1978 : 231235), autrement dit sa capacit tre une personne historique dans la mesure o, de lAngleterre LItalie, en passant par la France de 1848 et de 1871, et lAllemagne de 181481849, il na jamais t autre chose quun suppltif la classe bourgeoise dans sa lutte contre lAncien Rgime, qui sest retourne contre lui partir du moment o les choses risquaient de dpasser le cadre troit de la rvolution bourgeoise. Avec deux gigantesques exceptions, opposes cependant termes termes dans leurs dterminants : la Russie de 1917 dans laquelle pour cause dabsentisme de la bourgeoisie cest le proltariat qui dut enfourcher le plus puissant destrier rvolutionnaire antimdival que jamais sicle dhistoire navait encore entran (Bordiga 1978 : 234) rappelons que pour Bordiga, la seule diffrence qui existe entre le capital sovitique et le capital amricain est que le premier a t instaur par une rvolution proltarienne (Bordiga 1985 : 12)[11] et que pour le reste ils se retrouvent dans un identique kolkhozianisme social [12] et lAmrique : capitalisme 100%, rvolution et parti rvolutionnaire zro (Bordiga 1978 : 234), donc, si lon suit le canon bordiguien : pas de proltariat pour cause dabsence de  rvolution bourgeoise antifodale qui chaufft le sang aux travailleurs (ibid.) [13]

 

Voici donc, dans leur clectisme, les principaux traits de lՎlment thorique dont hrite la thorie franaise : un recentrage du proltariat sur son existence de producteur dans laquelle il doit trouver aussi bien la force de lutter contre lexploitation que sa capacit rvolutionnaire ; sa dfinition comme classe universelle dans son identit diversifie, sur le modle de l ouvrier amricain de 1947, cestЈdire, donc, ds lors que lՎtablissement du capital comme socit la sortie de la seconde guerre mondiale a dfinitivement transform la masse des libres travailleurs sans rserves en classe capitaliste (classe proltaire). Mais encore, dautre part, la reconnaissance que cette classe peut tout aussi bien se compromettre avec la classe adverse, quelle baigne dans le milieu et latmosphre capitaliste qui se fait entendre sur chaque disque et sur chaque onde radiophonique , comme le dit O. Rhle (Invariance 1995 : XVIII) ; la conscience quelle est spare du programme communiste par son immersion dans la production et donc dans lentreprise, y compris dans lՎchafaudage de conseils dusine emptrs dans la gestion dentreprise (Bordiga 1978 : 377) noublions pas que pour Bordiga le  marxisme est une thorie de la contrervolution, non parce quil en parle, mais parce quelle est son lment dՎlection. Et pour terminer, ce doute diabolique sur la capacit dinitiative rvolutionnaire autonome du proltariat avec en sousmain la question des classes et de leur ncessit pour le capital.

 

Naturellement, dans lՎclectisme de cet lment thorique, cest de l que part la thorie franaise partir de lexception sociale des vnements de maijuin 1968 dans leur surdtermination politique : La classe ouvrire estelle ou non porteuse dune volont et dune capacit de transformation rvolutionnaire ? Estelle capable de raliser lՎchelle mondiale la vritable communaut humaine, lhumanit sociale ? (Guillaume 1969 : 119).

 

 

Bibliographie

 

 

Anonyme, Les trois ges de loprasme. La Petite Bibliothque de la Matrielle, Marseille 2005.

 

Bruno Astarian, Les grves en France en maijuin 1968. changes et Mouvement 2003. Cet opuscule t une rvlation.

 

Denis Authier et Gilles Dauv, Ni parlement ni syndicats : les conseils ouvriers ! Les communistes de gauche dans la rvolution allemande (19181922). d. Les nuits rouges, Paris 2003.

 

Amadeo Bordiga, Russie et rvolution dans la thorie marxiste. d. Spartacus, Paris 1978.

 

Amadeo Bordiga, Dveloppement des rapports de production aprs la rvolution bolchevique. d. Spartacus, Paris 1985.

 

Jacques Camatte, Bordiga et la passion du communisme. Textes de 19581961 et repres biographiques. d. Spartacus, Paris 1974.

 

Jacques Camatte, Forme et Histoire. d. Milan 2002.

 

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Frdric Engels, Complment et supplment au Livre III du Capital. Le Capital tome 3, d. du Progrs. Moscou 1984.

 

Diego Giachetti et Marco Scavino, La Fiat aux mains des ouvriers. Lautomne chaud de 1969 Turin. d. Les nuits rouges, Paris 2005. Traduit et dit linitiative du groupe francobelge Le Mouvement communiste.

 

Antonio Ghirelli, Storia di Napoli (Histoire de Naples). d. Einaudi, Turin 1973.

 

Pierre Guillaume, Idologie et lutte de classe (1969). Repris dans Rupture dans la thorie de la rvolution. Textes 19691975. d. Senonevero, Paris 2003.

 

Internationale situationniste, Enrags et situationnistes dans le mouvement des occupations, d. Gallimard, Paris 1998 [1968].

 

Invariance, n. 9 srie IV. Fvrier 1995. Cite Bordiga : La science sociale et lՎducation.

 

Laurent Joffrin, Mai 68. Histoire des vnements. d. du Seuil, Paris 1988.

 

Alain Joxe, LEmpire du chaos. d. La Dcouverte, Paris 2002.

 

Henri Lefebvre, De lՃtat, tome 3 : Le mode de production tatique. d. 10/18, Paris 1977.

M. Manceaux et J. Donzelot, Cours camarade, le PCF est derrire toi, d. Gallimard (collection  La France sauvage dirige par J. P. Sartre), Paris 1974.

 

Le Mouvement Communiste, n.2 (Mai 1972). Repris dans Rupture dans la thorie de la rvolution. Textes 19691975. d. Senonevero, Paris 2003.

 

Paolo Spriano, Loccupation des usines. Turinseptembre 1920 ; d. La pense sauvage, Paris 1978 (1968).

 

Thorie Communiste, n. 14, dcembre 1997.

 

Mario Tronti, Ouvriers et capital. d. Christian Bourgeois, Paris 1977. Je cite daprs larticle de JeanMarx Piotte : Le cheminement politique de Negri, publi dans Les trois ges de loprasme (la Petite Bibliothque de la Matrielle).

 

Sylvain Zegel, Les ides de Mai. d. Gallimard, Paris 1968.

 

 

 



[1] Werner Sombart est un universitaire allemand. Un des rares qui selon Engels dans son Complment au Livre III du Capital donne un expos, dans lensemble excellent du systme de Marx (Engels 1984 : 927).

[2] Il arrive que les images parlent mieux que les mots Pour se souvenir de ce quՎtait cette socit, ou pour sen rendre compte (pour ceux qui ne lon pas connu), il faut voir lexcellent documentaire de Gudie Lawaetz : Mai 68, il y a 25 ans (d. Fil Film). De faon plus lgre on pourra voir le film de J. Pinoteau, Le triporteurqui date de 1957.

[3] Votre psychologie a t de laisser faire, de laisser venir. Tout et t trs bien, condition que ne fussent pas dpasses les bornes audel desquelles lՃtat est atteint. (De Gaulle au conseil des ministres du 23 mai [Joffrin 1988 : 220]). Les subjonctifs ne sont pas anecdotiques

[4] Je vous en prie, dites vos amis de ne pas nous attaquer. Cest abominable. Nous sommes vos meilleurs dfenseurs. Vous voyez bien que nous sommes tous dbords. Il faut arrter tout ela. (WaldeckRochet J. Vendroux, beaufrre de De gaulle). Et face la FGDS : Dsolidarisezvous des CohnBendit et compagnie, de tous ces irrsponsables de leur acabit. Je vais vous en donner, moi, des crapules staliniennes ; (Joffrin 1988 : 191).

[5] Jentends ici le terme politique au sens que lui donne le jeune Marx lorsquil en parle comme de la revendication dun droit particulier ou quil dit que lme politique dune rvolution constitue la tendance des classes sans influence politique de supprimer leur isolement visЈvis de ltre de lՃtat et du pouvoir (Gloses critiques marginales un article : Le roi de Prusse et la rforme sociale . Par un prussien. [Camatte 2002 : 23]), ou quil dnonce lՎmeute politique [qui] si universelle soitelle, dissimule sous sa forme colossale un esprit troit. (Ibid., p. 21).

[6] On a souvent identifi (tous courants thoriques et politiques confondus) les vnements franais et le Mai rampant italien jusquՈ l automne chaud turinois de 1969. Par exemple : Si le Mai 1968 franais est emblmatique du mouvement contestataire de la fin des annes 1960, cest en Italie quil a pris la plus grande ampleur, dmarrant ds mars 1968 pour ne sachever quune dizaine dannes plus tard (Giachetti et Scavino 2005 : quatrime de couverture). Pourtant un monde les spare, ne seraitce que parce que les luttes turinoises sinscrivent dans le droit fil du cours international des luttes de lՎpoque, sans solution de continuit comme cest le cas du Mai 1968 franais. Les  contrepouvoirs de la socit civile sur fond dusines dsertes ne sont pas le contrle ouvrier revendiqu par les grvistes turinois. Mais surtout lՃtat italien qui na toujours pas digr les limites du Risorgimento (Lefebvre 1977 : 345) nest pas lՃtat gaulliste qui succde aux deux Napolons et Louis XIV (Lefebvre 1977 : 316) et, paradoxalement, cest sa faiblesse, compar au centralisme franais, qui lui vite la  crise politique.

[7] Jai abord propos du mouvement de maijuin 2003 la question de la modernit des vnements de maijuin 1968, travers le dplacement du lieu des ngociations qui, pour lessentiel, se dplace de lՃtat aux branches dindustrie. Astarian y voir un lment de la dfaite et une forme du dmantlement de lunit du mouvement (Astarian 2003 : 56), jy vois au contraire le dbut de ce que jai appel l immdiatet sociales des classes. (Charrier 2005 : 5).

[8] Prface lessais de Caffentzis.

[9] Prface lessais de Caffentzis.

[10] Message anonyme mis en ligne sur le forum du site de Meeting le 4 juillet 2005 en raction ma rponse au texte de A. Simpson : Questions prliminaires.

[11] partir de cette thse selon laquelle le mode de production capitaliste peut tout aussi bien exister sans classe capitaliste (pour Bordiga la bureaucratie nest pas une classe), Camatte critique celuici au motif qu il na pas dduit que sil en tait ainsi le mode de production capitaliste pouvait luimme dpasser les classes, les absorber en mettant tous les hommes en esclavage (Bordiga 1985 : 13). Il na pas forcment tort, sauf quՈ partir de ce moment on ne peut plus parler de capitalisme.

[12] En prenant ladjectif kolkhozien non seulement dans son sens propre de production agraire parcellarise, mais en lՎlargissant toute structure qui, axe sur lindividu, se fonde sur la famille, la maison, lappareillage domestique dont les formes instables et invertbres se succdent larrireplan de la lutte entre capital et proltariat.  (Bordiga 1985 : 323324).

[13] Ce dveloppement un peu disproportionn sur la gauche communiste italienne sexplique par le fait que la thorie franaise est aujourdhui encore domine par lhritage de la gauche germanohollandaise au dtriment de la gauche italienne. Ceci, cause dun rejet phobique de lorganisation et du lninisme (un terme que Bordiga proscrivait), comme cela peut se voir encore dans changes au nom des proltaires euxmmes (changes n. 113, t 2005 : 6263) et du fait de sa dfense inconditionnelle de la rvolution bolchevique (Thorie communiste 1997 : 4144, qui consacre treize pages lultragauche germanohollandaise contre trois sa consur italienne). Dans la foule, lapport dcisif dInvariance dans lՎtablissement de la thorie du Proltariat est galement nglig comme en tmoigne le mauvais traitement qui lui est appliqu dans le livre des ditions Senonevero Rupture dans la thorie de la rvolution consacr la priode 19691975, qui ne reprend que des textes qui tmoignent de labandon par Camatte de la thorie du Proltariat.